Situation courante lors de la sieste par Aulzy

Dans cette crèche, nous sommes 3 pour 16 enfants de 2 à 3 ans. Large, n’est ce pas? Sauf qu’en réalité, nous sommes généralement 2 pour 16 car nous travaillons en 4 jours et demi et que l’EJE a des temps de détachement pour la continuité de direction. Être 3, c’est pendant 2 matinées par semaine seulement. Et puis à midi, pendant la sieste, il y a les pauses des professionnels. Donc on se retrouve seule avec 16 enfants (il y a une tolérance quand ils dorment apparemment), avec 8 lits dans le minuscule dortoir et 8 lits dans la pièce de vie. Parmi ces 16 enfants, à 12h30, certains s’endorment, d’autres petits dormeurs se réveillent. Je ne peux ni accompagner au sommeil ceux qui s’endorment, ni accompagner le réveil des autres dans une pièce à côté destinée aux activités (dans ce 5m2, c’est vite petit pour les enfants qui se réveillent). Donc de 12h à 13h30, les enfants doivent rester dans leur lit, qu’ils s’endorment, dorment ou se réveillent. Mais à 2 ans, après 20 min à regarder le plafond, on veut parler, on fait du bruit, on réveille les autres… Et moi, adulte, je ne sais plus quoi faire pour maintenir le calme (un petit jeu calme ou un livre, ça marche pendant 10 min, après l’enfant veut bouger). Je ne suis pas contenante, je ne peux pas tout faire seule.

Une fois, un enfant s’est même mis à crier. Il voulait que je sois avec lui mais je devais être proche d’un autre qui avait besoin pour s’endormir. Je me vois encore poser ma main sur sa bouche pour qu’il arrête et regretter immédiatement ce geste… Sans pour autant savoir quoi faire de mieux.

Bref, comme souvent, j’étais seule avec 16 enfants à la sieste et j’ai été maltraitante sans pouvoir faire autrement. J’ai préféré faire ça plutôt que réveiller les autres qui avaient besoin de dormir (un besoin primaire à cet âge). J’ai démissionné pour réaliser que mon travail allait à l’encontre de mes valeurs et des réels besoins des enfants.

Toujours plus…avec le moins possible par Eje invisible

Directrice d’un multi-accueil d’entreprise depuis plusieurs années, je constate une dégradation des conditions de travail des professionnels de crèche. Accueillir en surnombre tous les jours, même pendant les vacances scolaires alors qu’on me refuse les remplacements de mes professionnelles en congé, faire débuter 4 adaptations en même temps, sans même imaginer le travail que cela représente pour l’équipe et le manque de disponibilité pour les enfants, tout cela fait notre quotidien.
Bien sûr, en parallèle, on nous demande l’excellence de l’accueil et une qualité irréprochable dans nos pratiques, ce avec quoi je suis évidemment en accord.
Équipe fatiguée, directrice qui doit assurer performance financière, qualité d’accueil, sécurité sans faille, et remplacements des collègues absentes…et pour des salaires qui frisent le ridicule : 1340€ pour une EJE sans ancienneté dans l’entreprise, à peine 1400€ pour l’infirmière relais de direction, smic à vie pour les Auxiliaires petite enfance et à peine plus pour les Auxiliaires de puériculture. Et la directrice ne touchera que 1900€ alors qu’elle a la responsabilité d’une trentaine d’enfants tous les jours et fera entre 40 et 50h de travail par semaine.
Je suis blasée de voir que cette société et ses gouvernements successifs se fichent complètement de tout notre secteur. Demandez-vous combien de fois le secteur de la petite enfance a été mentionné par le gouvernement ou par les médias tout au long de la crise sanitaire…cela en dit long sur leur considération pour nous et notre rôle pourtant essentiel dans la société en devenir.

Pas de remplacements par Auxiliaire de puériculture dans le 44

Je travaille dans une crèche merveilleuse qui a un super projet péda et des professionnelles en OR. Cependant depuis quelques temps beaucoup d’arrêts s’enchaînent entre : les conditions de travail rudes pour un personnel vieillissant ou abîmé par le travail physique, des cas contacts ou enfants cas contacts donc 7 jours d’isolement (à cause de la Covid) et autres arrêts « plus classiques »… Mais aucun professionnel disponible pour des remplacements de courte durée (en même temps ça se comprend…). Donc le personnel présent comble comme il peut et ça tire sur la corde un peu plus… Et bien sûr toutes les heures ne sont pas remplacées à 100% donc sous effectif et là ce sont les enfants qui trinquent car pas assez disponibles pour répondre aux besoins de tous…

La petite enfance un milieu qui s’effondre

Depuis 14 ans que je fais ce métier, les conditions d’accueil des enfants et de travail n’ont cessé de se dégrader. La mise en place de la PSU a eu comme effet délétère de mettre en place la course au remplissage. Les professionnels sont épuisés et ne peuvent plus mettre en œuvre toutes les compétences de qualité acquises en formation, impossible du fait du taux d’encadrement et de la notion de rentabilité permanente. Ils sont complètement sous-payés pour un métier impossible sans aucune reconnaissance. La petite enfance est le seul secteur où il n’y a pas besoin de diplôme spécifique pour être directeur. Tout est fait de bric et de broc dans l’urgence sans vraiment le temps de faire les choses et de réfléchir sur sa pratique. Les réunions ne sont pas comptées comme un temps indispensable et en dehors de la tête des enfants contrairement au milieu spécialisé. Le turn-over permanent et l’absence de pool de remplacement fait que le système ne tient pas : il est toujours grippé d’une façon ou d’une autre du fait d’une crise des vocations, d’un milieu ultra féminisé qui a donc besoin de partir en congé maternité ou parental pour s’occuper de ses propres enfants, et des conditions physiques de travail très difficiles. Pour toutes ces raisons et en dépit des beaux discours, le secteur de la  petite enfance en France, dans les conditions actuelles, ne pourra jamais offrir un accueil de qualité. Les enfants et les parents méritent bien mieux que ce qu’on leur propose.

Sauvons le secteur petite enfance par Patounette

A quoi servent les quotas d’encadrement , PMI, quand tout est lissé sur la journée la semaine voire l’année . Pas assez d’enfants chez les bb pas de problème, on remplit chez les grands sauf que du coup on est plus dans les quota d’encadrement …mais si, y’a la directrice dans le bureau et les agents dans la cuisine ( qui sont aussi très souvent sollicités en section) mais dans la section en attendant le nombre de pro n’y est pas.

 je suis en section bb on fait 4 nouvelles adaptations . Exemple un jour de la semaine je monte à 8 enfants ( 5/pro normalement ) avec une petite fille en situation de handicap qui va commencer à la reprise, normal la veille j’en ai que 4 !

Des exemples comme ça, mes collègues et moi on en a des tonnes . Voilà la réalité du terrain, des normes qui au final ne servent à rien, le but des gestionnaires c’est de remplir les crèches. Et sur le papier on nous parle du bien-être des enfants.

Une AP désabusée

Un début en tant qu’Eje désastreux par Billie.B

J’ai commencé ma carrière d’Educ en septembre.
Je suis déjà épuisée. J’ai perdu confiance en moi, culpabilisée parce que je ne pouvais faire mon travail comme je l’entendais (dans la bienveillance). Lors des accueils des parents, je dois sortir de la salle et laisser ma collègue seule avec le groupe pour essayer de répondre « rapidement » aux inquiétudes et questionnements des parents. Je dois être disponible pour les enfants/ les pros/ pour faire le ménage/ gérer les planning/ appeler d’autres parents pour remplir en cas d’absence. Je dois monter des projets et les mettre en place.

Quoi?! Vous n’avez toujours pas commencé ce projet?!
Excusez-moi d’essayer dans un 1er temps d’harmoniser l’organisation de ma section.
Quoi?! S. ne vous en a pas parlé?! On voit que vous avez des problèmes de communication entre vous!
Excusez-moi de ne pas avoir assez de réunions de section, excusez-moi de ne pas vouloir passer ma journée à parler à mes collègues au dessus de la tête des enfants.
Quoi?! Vous n’avez pas pris le temps de noter des observations dans le cahier de transmission?!
Excusez-moi d’avoir été présente pour gérer des conflits, changer C. qui, en pleine acquisition de la propreté, est arrivé trop tard aux toilettes, d’avoir pris 10min pour tenter de canaliser et calmer M. qui a déchargé sa colère et qui a passé 5min à tenter de me taper et de me mordre.

Excusez moi de perdre patiente et de m’énerver quand j’essaye de reprendre un enfant calmement et en verbalisant alors qu’il vient de se mettre en danger et que sa réaction est de me cracher au visage.

Excusez-moi de tenter d’accorder un peu de temps individuel a chacun dans ce collectif.

Excusez-moi de ne pas être crédible devant ma direction qui remet en question et critique toutes mes réflexions et initiatives : « c’est votre point de vue, cela ne veut pas dire que c’est vrai ».

Je vais m’arrêter là même si j’aurais encore une dizaine d’exemples à vous donner.

Je fais peut-être mal mon métier. En tout cas, malgré toute ma bonne volonté, je suis épuisée. J’ai perdu confiance en moi, culpabilisé mais je n’ai pas à me plaindre car enfin… c’est plaisant et simple de garder des enfants.

Plus d’Eje en crèche par Julie74

Aujourd’hui je souhaite témoigner sur mon vécu d’EJE en crèche collective. Après avoir travaillé 12 ans en crèche en France dans plusieurs structures où j’étais la seule educ, j’ai souhaité passer de l’autre côté de la frontière en Suisse. Habitant à proximité de celle-ci.
Après bientôt 3 ans d’exercice en tant que Educateur De l’Enfance ainsi nommé (équivalent aux EJE en France) je peux vous assurer que le travail est complètement différent.
Quand je compare les deux pays on me dit : « tu peux pas comparé, la Suisse est un pays plus riche..il y a plus de moyens… »
Et bien oui justement, la politique petite enfance de la ville de Genève, génère une qualité de l’accueil. Pour moi, cela provient notamment d’une embauche massive d’Educateur dans les crèches. Chez les bébés, groupe de 9 enfants : nous sommes 3 educ (100%,80%,60% -ndlr : temps de travail-), 1 Assistant Socio Éducatif (diplôme qui englobe des connaissances des Auxiliaires de Puériculture et de CAP Petite Enfance), une Aide Éducatrice (personne qui se forme sur le terrain pendant une année, quand elle débute elle a parfois très peu de connaissances sur l’enfance et le monde du travail).
Le matin à 9h nous sommes déjà 3 à être en poste ! Ça change la donne. Les Éducateurs sont référents pédagogiques du groupe et sont moteurs de projet, garant de la qualité de l’accueil. Réunion hebdomadaire d’équipe, réflexion pédagogique, accompagnement à la parentalité : 4 références de famille pour chaque educ à 100%.
Bref tout y est pour faire un travail de qualité.

Je milite donc pour plus d’Eje de terrain en France pour accompagner au mieux les professionnels : Auxiliaires de Puériculture et Cap petite Enfance. Les éducateurs sont là pour soutenir les projets, soutenir les équipes parfois en grande difficulté dans l’accueil de certains enfants et leur famille.

Comment faire pour faire changer les choses en France??
Je vous laisse méditer sur cette question. Gardons espoir.

Pro en manque de reconnaissance par Francine

Toujours plus d enfants.
Comment prendre en charge un groupe de 5 bébés sans travailler à la chaîne ?
Il existe dans certaines structures un manque de moyens humains et matériels.  Les locaux sont parfois mal agencés, trop petits. ..
Les professionnelles de la petite enfance sont fatiguées, épuisées et surtout sont en manque de reconnaissance ! !
La direction n est pas toujours attentive aux besoins du personnel.
Les demandes de temps partiel par le personnel  sont souvent refusées.
Les récupérations d heures complémentaires ou les congés sont imposés .
Nous exerçons un métier enrichissant, nous participons à la construction des adultes de demain.
Donnez nous les moyens de travailler dans de bonnes conditions.
Témoignage d une auxiliaire de puériculture

J’aimerais tant être une pieuvre à plusieurs têtes par Sunshinette

Diplômée depuis trois ans d’un DEEJE, je suis déjà bout professionnellement. Trois ans, trois petites années et déjà plusieurs remises en question … Trouvez-vous cela normal ? J’aime mon métier, j’aime accompagner les enfants et leurs familles mais je n’aime pas les conditions dans lesquelles je dois exercer ma profession.

Comment apprendre à un enfant à devenir bienveillant, à l’aider à acquérir de l’empathie quand il côtoie quotidiennement des adultes à bout ? Comment aider cet enfant à acquérir l’autonomie dont il a besoin pour s’épanouir dans sa vie ? Je vous le demande.

Sur le terrain, j’ai la chance de travailler avec une équipe soudée qui se soutient même en dehors du cadre professionnel. Nous savons que nous sommes toutes dans le même bateau alors on essaye toute de s’entraider pour ne pas sombrer et faire couler des petits êtres innocents avec nous.

Mais il y a des jours, lorsque le téléphone sonne dès les premiers heures, notre première question est : « qui va être absent pour soulager le groupe d’enfant ? ». Et lorsque le premier confinement, comme le deuxième (actuellement) a été annoncé, seriez-vous surpris de nous entendre dire que nous étions contentes d’avoir une coupure ?

Je ne veux pas avoir ce genre de pensées. Je veux pouvoir accompagner le groupe d’enfants sans prier pour des absences. Je veux pouvoir accorder du temps à chaque enfant individuellement et non pas réfléchir de manière stratégique en me disant que si je reste plus longtemps avec cet enfant, ma collègue va se retrouver en difficultés et les autres enfants seront donc eux-mêmes en difficultés. Je me déteste et je me sens mauvaise professionnelle lorsque je dois faire passer l’intérêt du groupe au détriment d’un besoin d’un enfant afin de ne pas rendre les choses plus compliquées qu’elles ne le sont déjà.

Dire à un enfant « Non, je ne peux pas changer ta couche car je dois coucher untel. » est-ce normal ? Ou bien devoir dire à un enfant, « Je suis désolée, je sais que tu es fatigué mais tu dois rester avec le groupe d’enfants au lieu d’aller te reposer. » Pour moi c’est de la maltraitance institutionnelle clairement … Mais comment faire lorsqu’on nous impose des réglementations strictes et des quotas d’enfants énormes ?

Je ne suis pas une pieuvre. Parfois j’en rêve. Avez-vous déjà eu six enfants qui essayent de trouver une place sur vos jambes, dans vos bras, accroché à votre cou et dans votre dos ? Et encore je dis six, mais imaginez-vous que le quota imposé par l’état est de 1 pour 8 … Imaginez 8 petits êtres demandeurs de votre présence physique et mentale en même temps, se poussant, tapant pour avoir la « chance » d’obtenir un calin ou une minute d’attention … Si j’étais une pieuvre je pourrais tous les prendre dans mes bras mais ce n’est pas le cas malheureusement.

Je demanderais aux politiciens de venir travailler trois mois dans une crèche à nos côtés pour comprendre ce que nous ressentons au quotidien. On a cru voir une lueur d’espoir avec les « 1000 jours » mais c’était trop beau pour être vrai. Le gouvernement essaye de mettre un ratio de 1 pour 6 pour tous les enfants, certes c’est un gain pour les sections de plus grands mais qu’en est-il pour des bébés de trois mois ? Je vous le demande ! N’auriez-vous pas le cœur brisé en entendant cinq bébés pleurer alors qu’une professionnelle couche ou nourrit le sixième ? Si ce n’est pas le cas, vous êtes mal placé pour prendre des décisions politiques au niveau petite enfance.

Vous dites vouloir le meilleur pour les enfants de notre société mais jamais vous n’écoutez les professionnelles sur le terrain. Nous sommes payés au lance-pierre, nous nous cassons littéralement le dos pour accueillir ces petits dans des conditions les plus favorables possible à leur développement, mais vous ne nous aidez pas. A votre avis, pourquoi les crèches ont du mal à recruter ? Remettez-vous en question … Pourquoi au bout de trois ans d’exercice professionnelle je me demande si je ne serais pas mieux derrière un bureau ?

S’il vous plait entendez nos revendications. On ne demande pas la lune, juste un peu de considération pour notre profession, de valorisation et nous avons plus que jamais besoin de se sentir soutenu ! Je ne sais pas si mon message sera lu mais je l’espère !

Une EJE qui rêverait de pouvoir être une pieuvre en ces temps terribles où la petite enfance se noie comme le Titanic.

eje par Mahault

bonjour
Avec les neurosciences, le projet des 1000 jours, l’avancée en psychiatrie… enfin une avancée considérable pour les jeunes enfants et les personnes qui travaillent avec eux mais le terrain est tout autre, la réalité nous rattrape, le bien être de l’enfant avec tous ces décrets ou lois me questionnent. Eje sur une structure comment avancer sur des projets quand on doit toujours venir soutenir dans les unités. Le passage en catégorie A à la ville nous ouvrait de nouvelles portes mais tout en étant toujours demandé à droite à gauche. Les équipes s’épuisent, quittent la ville ou le métier écoeuraient et encore notre statut de fonctionnaire va évoluer mais tirer vers le bas. A quand une vraie reconnaissance du métier de la petite enfance par les politiques et de ce que nous vivons quotidiennement sur le terrain.