Je résiste par Valoupro

Bientôt 33 ans.
33 années passées dans la fonction publique territoriale.
33 années en tant qu’EJE .. 15 ans de terrain dans une halte garderie puis en direction de multi accueils.
33 années pendant lesquelles j’ai pu m’épanouir dans mon métier, progresser, développer mes connaissances (quels changements dans l’accompagnement des enfants !) puis apprendre, parfois à mes dépends, à manager.. Ou plutôt à accompagner les équipes sur le terrain, sur les projets, tout en continuant à observer les enfants pour mieux accompagner les familles.
J’ai dû aussi bien souvent me battre contre ma direction, les élus, qui voulaient m’imposer des méthodes, du remplissage, qui n’allait pas dans le sens de mon métier. Je me suis perdue en devenant seulement « la directrice » malgré une super équipe !
J’ai voulu changer avant de craquer complètement… Une formation pour une éventuelle mobilité professionnelle pendant laquelle on m’a dit que je devais continuer  à apporter mon expérience aux équipes.. J’ai eu la chance de trouver un emploi dans un petit multi accueil 13 places en tant que responsable, mais avec du temps sur le terrain comme je le souhaitais..  Trop beau pour être vrai.
Ça n’a pas duré… Obligation d’une double direction, avec autant de temps sur le terrain… Manque de temps pour l’administratif, manque de temps pour les familles, manque de temps pour les projets, pour les réunions, pour les enfants, pour les stagiaires, pour les équipes. J’alerte, je craque, mais je continue coûte que coûte pour tout le monde en allant souvent à l’encontre des directives de remplissage et de management sévère .
On ne va pas me mettre dehors !  Il va sans doute falloir que je mette de côté un peu du sens que je souhaite donner à mon métier d’éducatrice en étant un peu moins sur le terrain… mais je ne lâche pas !!! J’adapte. En gardant le sens qui me lie à ce métier passion… Contre vents et marées… Contre les choix de la direction… Pour le bien des enfants, des familles et des équipes. J’ai 55 ans et j’espère bien tenir encore quelques années.

7 ans de travail en crèche et déjà épuisée par Aurélie

Je suis auxiliaire de puériculture depuis 7ans. Je me considère encore comme un « bébé » dans la profession. J’ai toujours été passionnée par l’univers de la petite enfance. Mais, depuis que j’y suis entrée, j’ai commencé à déchanter.
Comment mettre en pratique la bienveillance, l’individualité, la sécurité physique et affective, le bien-être d’un enfant quand on a 18 enfants de 2mois et demi à 1 an pour 4 professionnelles ?? Ou 23 enfants de 15 mois à 3 ans et demi pour 4 professionnelles ??

Les quotas d’accueils sont « respectées » selon la loi.. Mais ils ne respectent pas le bien-être des enfants mais également des professionnels !

Nous passons notre temps à courir, on prend le temps de se « poser » avec un enfant qui a besoin de nous pendant à peine 2 à 5 min de temps en temps car on finit pas culpabiliser de « délaisser » les autres pendant ces 5 min.

Les temps de repas individuel (chez les bébés) deviennent des moments sans partage car on essaye de faire au plus vite pour passer au suivant pour que le maximum d’enfants aient mangé avant le départ en pause de la première pro.

Oui, parce que parlons en des pauses des professionnelles !! Le quota de 1 pro pour 5 non marcheurs est respecté sur l’amplitude horaire en fonction des arrivées et départs des enfants. Mais pendant les pauses ??? Et bien, dans une section de 18 bébés, on se retrouve à 2 pour 18 enfants pendant généralement 2h à 2h30.. Mais ça ne semble pas déranger qui que ce soit ?? On estime que la plus part des enfants dorment après le repas.. Et bien non et parfois les 18 sont éveillés en même temps et ça devient 2h de calvaire..

Ces quelques lignes ne témoignent même pas d’un quart de ce qu’il se passe en structure..

  • surquota certains jours pour combler le manque d’un autre
  • manque de professionnelles ou pas de remplacement lors de congés ou d’arrêts
  • parents mécontents lors d’une morsure, blessures, griffures ou autre (et oui, on a pas les yeux partout avec autant de petit bouts à surveiller)
  • heures supplémentaires souvent non payées mais rattraper quand c’est possible.
  • stagiaire qui finalement remplace une pro au lieu d’être là pour se former et apprendre..

Et j’en passe.. Comment former et motiver correctement une stagiaire quand soit même on ne croit plus en la façon dont on travail ?? L’avenir de la profession m’inquiète fortement.

Aujourd’hui, j’en suis arrivée au bout de 7 ans à me demander si je ne devais pas changer de métier pour tenter de m’épanouir professionnellement.

C’est tout de même triste..

Maltraitance institutionnelle par Vahiné

Plus de 20 ans d’ancienneté et j’ai bourlingué dans plusieurs départements et sur des structures de différente taille.
Je pense être une pro investie à l’écoute et qui prend soin des équipes. A chacun de mes départs, mes équipes me regrettent. Aujourd’hui, j’ai le poste que je recherchais. Petite crèche associative de village équipe au top, grande implication, motivée, heureuse de venir travailler. Je suis cadre bon salaire, grande autonomie une équipe de rêve et pourtant je me sens usée.
Usée de me battre pour que mon équipe soit bien et travaille dans de bonnes conditions, usée par la maltraitance institutionnelle, par une certaine incompétence des administrations, par les injonctions contradictoires des institutions, usée de me battre pour que la qualité d’accueil soit bonne, que le bien être au travail soit respecté, usée d’avoir une pmi inexistante ou presque, une caf où une seule personne assure, de devoir faire le boulot de pôle emploi, la mission locale et j’en passe….
Je me bats pour que les conditions de travail soient bonnes et que l’équipe soit bien car il me semble que c’est la base. Car, grâce à ça, j’ai une équipe heureuse investie très peu d’absentéisme. Avoir une équipe heureuse coûte moins chère alors pourquoi on doit galérer pour juste ça. Un accueil de qualité pour les familles et les enfants aussi c’est pareil. Je ne suis pas économiste ni commercial mais il me semble que miser sur la qualité d’accueil et le bien être au travail est bien plus rentable.
Je me bats pour avoir 3 pros pour 12 grands et 3 pros pour 10 bébés . Pour remplacer les absences. Je prends tout sur moi pour préserver mon équipe et je me rends compte que c’est à mes dépends et ma santé physique et mentale en prends un coup.
Pourquoi doit on en arriver là juste pour travailler correctement dans un domaine d’utilité publique…😢

Une sortie de chemin salvatrice par Delphine

J’ai un parcours alambiqué, et pourtant, la petite enfance m’a accueilli à bras ouverts. Je me suis passionnée, je me suis investie… Trop m’a-t-on dit.
Alors, j’ai quitté le navire qui est en train de couler, cela fait 10 ans qu’il sombre.
Après des études en sociologie, des expériences d’animation culturelle de jeunes, un DUT d’animation, des expériences de projets socio-culturels à l’étranger, j’ai été directrice d’un centre de loisirs 3-11ans, avec le périscolaire, et ça allait de la comptabilité au recrutement, en passant par la communication, la logistique, les inscriptions, l’accueil des familles… Pour 1400€ net par mois. Un détail qui compte.
Puis trop de travail, trop de route, devenue maman, je prends un poste en ram à mi-temps, puis je le complète par un autre mi-temps, puis je trouve un temps plein en milieu associatif… Bye bye les collectivités territoriales!
Déjà, il y a plus de 10 ans, on voit apparaître le privé dans le secteur de la petite enfance : berceaux, rentabilité, business plan… Nous n’avons pas la même vocabulaire, pas les mêmes valeurs. Mais les familles sont séduites, nous sommes quelques-uns à tirer la sonnette d’alarme mais nous nous sentons des Sancho Panza…
J’ai travaillé 10 ans en Ram. J’ai ADORÉ mon métier! J’ai adoré travailler avec les assistantes maternelles que j’estime beaucoup. J’ai adoré échanger et partager avec mes collègues de multi accueil et de centre de loisirs 3-5ans… En 2018, j’obtiens mon DEEJE. J’ai besoin de reconnaissance par mes paires et envie d’aller goûter le travail en EAJE. J’ai pas tenu. Burn-out direct dans un retour aux collectivités territoriales désastreux, avec des collègues qui font ce qu’elles peuvent et des directions maltraitantes qui sont sous pression et qui ne voient que les chiffres, sans voir les enfants…
Je travaille aujourd’hui dans un centre social associatif et je revis avec des valeurs humanistes et humanisantes, où nos actions sont accès sur l’enfant et sa famille ! Je ne pensais plus que cela puisse exister…

Déchéance par Zaza44

Je suis auxiliaire de puériculture diplômée depuis 2006.
En formation, on nous a appris que les crèches étaient un service pour les familles. Ce n’était pas à but lucratif. Quelle déchéance depuis ! De plus en plus de crèches privées issues de groupes remplissent leur crèche.
Des groupes exigent des familles qu’elles ne signent que des gros contrats avec beaucoup plus d’heures que besoin.
Des groupes qui se remplissent les poches sur le dos de familles, d’enfants, du personnel…
Qui promettent le meilleur pour leurs enfants bienveillance, bio, activités Montessori… Tout ça n’est qu’apparence.
Des groupes épuisent leur personnel. Les directrices finissent en burn-out. Les équipes partent… Je touche à peine plus que le SMIC. Aucune reconnaissance ! Rien de rien! Pas de ticket resto, pas de prime. Je touche moins qu’à mon début de carrière en 2007 !
Je tiens car mon métier est ma passion mais jusqu’à quand !

Où est le bien-être de l’enfant ? par Ju

Je travaille en multi-accueil depuis quelques années en tant qu’auxiliaire de puériculture. Nous accueillons 15 enfants mais même avec ce petit nombre nous ne leur garantissons pas un accueil correct. Manque de personnel (jamais remplacé) qui nous fait travailler « à la chaîne » : changer une couche en un temps record, expédier un biberon/le repas, transmissions aux parents bâclées, etc. Des locaux inadaptés : des dortoirs avec des enfants serrés les uns contre les autres (si on veut aider une grand à se lever il faut jouer à l’équilibriste pour ne pas marcher sur un autre), des professionnelles pliées en 4 par terre pour accompagner le sommeil car pas de place pour une chaise, des chauffages jamais entretenus qui font que les enfants dorment dans des dortoirs à 25 degrés.
Un manque de personnel qui nous fait souvent devoir rester seule avec le groupe de 15 enfants marcheurs et non marcheurs confondus tout en devant donner un biberon et en faisant les transmissions aux parents. Mais non, nous ne tirons pas sur la corde, nous sommes « polyvalentes ». Dans ce cas là nous ne sommes plus des professionnelles bienveillantes mais des surveillantes debout au milieu de tous pour pouvoir avoir une vue d’ensemble, ne pouvant pas répondre aux sollicitations des enfants.
Remplir toujours plus les crèches au dessus de leurs agréments, toujours plus d’enfants mais pas plus de professionnelles.
J’adore mon métier, c’est un métier passion mais pousser les professionnelles à travailler dans ces conditions est inacceptable. Nous sommes là pour accompagner l’enfant dans son quotidien avec sérénité et plus ça va moins nous pouvons leur offrir cet accueil bienveillant.

Les pauses (bis) par MaryPoppins

  • 2 pros pour 15/16 grands
  • 2 pros pour 12 moyens

Aux dortoirs les premières professionnelles mangent à 12h15 jusqu’à 12h45.
Et les deux d’après sont en coupés. Celle des grands de 12h45 à 14h, celle des moyens de 12h45 à 13h45.
Les filles sont donc seules dans les dortoirs avec leur groupe d enfants.
Et comment ça se passe quand les enfants se réveillent ?
Et bien pas le choix : on les oblige à rester allongé, calme sur leur couchette, et quand ils sont trop nombreux la professionnelle sort du dortoir et laisse les enfants qui dorment sans surveillance.
La porte reste entre ouverte.
Et, bien sûr, comme elle est seule, les enfants ne sont pas changés tant que l’autre pro ne revient pas de pause.
Et c est l’horreur parce que pendant que l’on en habille un, les autres sans surveillance, crient ou courent, se tapent, jettent les jouets, se font pipi dessus…
Comment c’est possible d accepter ça ?
Je suis tellement dégoûtée de travailler comme ça…

Recherche d’emploi, recherche de valeurs ! par LT

Eje depuis 20 ans. 10années en crèche parentale + 10 années en RAM. Et puis un changement de région et une remise en question professionnelle …
Que me réservent les 10 prochaines années ? Peut être retourner en structure collective : c’est un non ! Trop grand écart entre la volonté affichée du respect du rythme de l’enfant, l’accueil des familles, la réalisation de projets et la réalité de terrain gangrénée par un manque de professionnels et des réglementations toujours plus nombreuses.
Peut être retourner en RAM : pourquoi pas car il me semble que les AM sont à valoriser encore et toujours et que d’être au plus près des besoins de tous les adultes à des répercutions évidentes sur les touts petits. Mais avoir la sensation d’être un réceptacle des déboires administratifs (convention collective, contrat de travail etc) me semble bien loin de mes origines…

Bref, perdue ! « Expert » du développement du jeune enfant et de son environnement, j’observe une méconnaissance de notre métier encore et toujours… Quand un organisme me répond « on ne recrute pas d’Eje car on n’accueille pas de jeunes enfants », je crie « et ses parents, ce serait bien pour eux de pouvoir les accompagner avec ce regard d’éduc !!!! »…
Alors, comment concilier mes valeurs d’accueil de l’enfant et de sa famille avec la réalité de terrain et les différentes offres des territoires ? Je ne suis pas sûre que c’est une préoccupation nationale… mais jusqu’où ira-t-on ?

Des modes d’accueil à deux vitesses par Rachida

Je suis éducatrice de jeunes enfants depuis presque 20 ans. J’ai démarré ma carrière avec le décret d’août 2000 et aussi la mise en place de la PSU. Je suis directrice d’une crèche associative depuis 13 ans.

Je suis très inquiète aujourd’hui parce que ce sont les enfants les plus fragiles qui n’ont pas accès aux modes de garde :

  • soit parce que les listes d’attente sont trop longues
  • soit parce qu’aujourd’hui il y a plus de places dans les micro crèches où le reste à charge est bien trop important pour les familles en situation de précarité.

Mais alors !?? Pas de mode d’accueil = pas de travail et pas de travail = précarité.
Notre Président veut aider les pauvres.. Ok..

Alors pourquoi cette réforme ??
Pourquoi augmenter les places dans les micro crèches ?
Pourquoi baisser les dotations aux communes qui du coup ne subventionnent plus les crèches à but non lucratif, dont l’objectif prioritaire est d’accueillir un enfant et de lui permettre de bien grandir sans distinction d’origine, de niveau économique…???
Si nous souhaitons aider les familles les plus en difficultés c’est tout le système de financement des crèches qu’il faut modifier !! C’est l’Etat qui doit se porter garant de la façon dont les crèches utilisent l’argent public, c’est inacceptable que des crèches privées soient cotées en bourse !!! On ne l’accepterait pas pour les écoles et l’Etat l’a permis en ouvrant les crèches au marché lucratif.. De l’argent public côté en bourse..

Je souhaite une politique petite enfance ambitieuse et porteuse d’espoirs d’un mieux vivre pour tous !

Grosse déception, l’intérêt supérieur de l’enfant passe en dernière position par Etty

J’ai commencé à travailler en crèche après mon CAP petite enfance. J’étais vraiment enthousiaste d’accompagner les enfants dans leur développement. J’aimais ce métier à tel point que j’ai passé une VAE d’éducatrice de jeunes enfants. C’est exactement au moment de la préparation de la VAE (écriture des situations et révision pour l’oral) que j’ai compris toute la différence entre ce qu’on étudie dans les livres et la réalité du terrain : je suis restée seule avec 12 enfants plusieurs fois pendant toute la matinée en m’occupant des activités, des changes, de l’installation du repas. J’ai demandé à la directrice de pouvoir ramener quelques enfants dans les autres sections (bébé et moyens) parce que selon la loi le taux d’encadrement est 1 pour 8 qui marchent, pas 1 pour 12! Elle me réponds que la collègue de la section de moyens est toute seule avec tous les enfants, cela dit elle va dans son bureau. Je suis seule avec les 12! Au fil du temps, j’ai compris que j’avais beaucoup de tâches qui ne me permettent pas d’être disponible et patiente pour accueillir les enfants et les accompagner. J’étais fatiguée, dégoûtée des conditions de travail et du salaire qui n’est pas assez, avec lequel tu peux même pas te loger correctement, c’est une honte! Un métier important, nécessaire, essentiel malmené de cette façon.
C’est où l’accueil de qualité et l’accompagnement à l’autonomie quand une entreprise de crèches qui a ouvert des sièges et des crèches à l’étranger ne veut pas acheter de couches culottes parce que ça coûte 15 centimes de plus que les couches normales?
Il est où le bien-être de l’enfant quand il n’y a pas repères et beaucoup d’imprévus ?!
Depuis ma VAE, j’ai décidé d’abandonner la crèche avec beaucoup de souffrance et déception.