Burn out et inaptitude , je tire ma révérence… par Aline

Auxiliaire de puériculture en crèche associative depuis bientôt 12 ans, je m’apprête aujourd’hui à quitter ce monde si hypocrite et fait d’incohérences, de paradoxes qu’est celui de la petite enfance.
Je pars, comme beaucoup de mes anciennes collègues, avec un licenciement pour inaptitude :
-bousillée-
-physiquement : j’ai de gros soucis aux cervicales, aggravés par le fait de porter, la répétition de mauvaises postures, la précipitation dans les gestes(je n’ai jamais autant regardé l’heure pour respecter un timing que depuis que je travaille en crèche !) , causées par une nécessité de rendement (taux de remplissage oblige !).
Comme me l’a affirmé le médecin du travail ainsi que  ma kiné , les troubles musculo-squelettiques sont nombreux chez les pro de la petite enfance et à l’arrivée de la quarantaine on ne tiens plus.
– Mais également très très abîmée moralement: j’ai fait un burn out l’année dernière : j’ai craqué sur le terrain et mes larmes m’ont valu une avalanche de reproches de la part de ma direction :j’allais traumatiser les enfants ! D’ailleurs c’est seulement dans les yeux des enfants que j’ai vu de l’empathie et du désarroi à ce moment là. Les collègues etaient désemparées car j’étais une « ancienne » et selon les dires de beaucoup « une personne ressource » pour l’équipe. Seulement voilà, des soucis de management, le manque de moyens matériels et humains , aucune bienveillance pour les professionnels infantilisés et réprimandés pour un soupir , une charge de travail grandissante au fur et à mesure des années, des pro rarement remplacés faute de budget, des incohérences entre les demandes et les moyens mis en oeuvre , la volonté « d’être une bonne professionnelle » et d’offrir le meilleur accueil possible aux enfants malgré tout,  ce sentiment de culpabilité, la frustration de ne pas accomplir ce pourquoi vous aviez choisi ce métier qui en découle, ont eu raison de moi.
Je me suis vidée, épuisée physiquement et moralement je ne pouvais  plus être « ressource » ni pour les collègues, ni pour les enfants ni pour les familles, aujourd’hui je ne reconnais plus ni les valeurs ni le métier que j’avais choisi.
Une page se tourne et me laisse amère.
J’espère que comme affirment mes anciennes collègues qui se sont reconverties « je vais revivre » en quittant ce milieu. C’est dommage que ce métier si humain et si noble à la base nous laisse juste un sentiment d’ecoeurement.
Mes jeunes collègues disent déjà qu’elles ne tiendront pas longtemps…

JE CRAQUE AUSSI ! par Fasol

JE CRAQUE AUSSI ! Après avoir travaillé 17 ans en crèche collective municipale avec des unités de 20 à 23 enfants accueillis par jour (=capacité d’accueil et non total d’inscrits, de 22 à 26 enfants !),et encore… on n’est pas encore en PSU 2(paiement à l’heure)!  Cela fait 4, 5 ans que je n’y crois plus ou presque !  J’osais espérer encore…une prise de conscience collective et politique pour le bien nos enfants, notre avenir… avec cette commission des 1000 premiers jours qui devait donner une valeur juridique à la  Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant (dix grands principes pour grandir en toute confiance) de 2017 ! Passionnée, motivée, toujours prête à me remettre en cause, je me suis adaptée, avec enthousiasme aux dives changements (passages en âges mélangés, organisations, espaces, matériels, PSU1…), aux diverses évolutions (formation à la pédagogie interactive, positionnement de l’adulte…). Tout cela, dans l’espoir d’améliorer la prise en charge des enfants et de leur famille ! Tout ce qu’on y a gagné, c’est moins d’individuel , un travail de plus en plus à la chaîne… Et par conséquence, une dégradation des conditions de travail, prise entre les besoins des enfants, les exigences des parents, les contraintes du collectif… Je n’y arrive plus !!! Je ne crois plus en ce que je raconte aux parents lors de « l’adaptation », même si je me surprends à être contente d’aller à la rencontre d’une nouvelle famille ! Quand on dit une fois dans une journée, à un enfant  » tu n’es pas tout seul à la crèche » (attention, raccourci, façon de parler, je ne veux choquer personne ! ) c’est de l’éducation ! Par contre, quand on le répète plusieurs fois par jour, c’est qu’il y a un problème, d’autant plus incompréhensible pour le tout petit dans notre société où l’ adulte, aussi, est centré sur lui-même !  Alors, la solution, il n’y en a qu’une: diminuer le nombre d’enfants par unité et par professionnel !  Je n’ai plus… enfin… je NE VEUX PLUS me sentir coupable vis-à-vis d’un enfant, d’un parent, d’un collègue, de la direction… quand j’ai le sentiment de n’avoir pas fait correctement mon travail !  Je ne veux plus devoir me remettre en cause…  J’en ai marre de devoir me sacrifier pour pallier aux problèmes de surnombre d’enfants, de locaux trop petits… etc Je donne le meilleur de moi même mais cela n’est pas encore assez ! Je suis épuisée surtout par tous ces espoirs déçus des politiques et ce sentiment d’impuissance à faire reconnaître l’importance du monde, invisible, de la petite enfance !

Individualisme par Nina

Cela fait plus de 30 ans que je travaille dans la petite enfance.Nous sommes de moins en moins considérés et le rendement prend le pas sur la qualité.C’est triste et la motivation s’effiloche.

Des sardines à l’usine par Charlotte

Où est le bien être de l’enfant dans tout ça ? Ça devient l’usine, on oublie les temps d’activités et autres… Une journée va donc se résumer à ceci:
Vite je te change ta couche, vite viens manger, vite va à la sieste, vite je t’habille pour aller dans la cour , vite il y a les copains qui attendent… Où est la sécurité, la bienveillance dans tout ça ? Il faut aller vite. Ce sont des petits êtres humains qui ont besoin d’attention, et nous nous sommes des professionnels et non des robots ! Il faut penser aussi à la fatigue que tout cela va engendrer, et la façon de travailler qui ne sera pas forcément très bonne.
Donnez-nous les moyens de travailler dans de bonnes conditions.

Le prix de la rentabilité par Catellynn

Auxiliaire de puériculture depuis 1998.  Mon sentiment actuel est qu’il y a de plus en plus de projet pédagogique qui, s’appuyant sur les découvertes en neurosciences, qui explique « sur le papier » en long en large et en travers, les actions bienveillantes qui permettent à l’enfant d’aller vers l’autonomie, sensées représenter notre travail au quotidien !
En pratique, la notion de service public n’étant plus d’actualité, nous devons être rentable et les enfants sont surtout accueillis pour rapporter de l’argent. D’où cette multitude de dérives où l’on s’arrange avec les règles d’encadrement notamment (les personnes non présentes physiquement compte dans l’effectif)
Je me suis rendue malade de culpabilité à chaque fois que je ne pouvais pas mettre en pratique ce que je savais être indispensable pour que les enfants grandissent bien. Plus j’apprenais, plus je culpabilisais sur les conséquences qu’auraient sur le développement de  l’enfant, nos façons de faire (faute de ne pouvoir faire mieux)
Le prix de la rentabilité !
Nous finissons par n’être plus que dans le faire en étant moralement et physiquement épuisée
J’ai arrêté de me battre contre des moulin à vent.
A 58 ans, nouvellement diplômée EJE, j’ai choisi de travailler chez un particulier pour préserver ma santé et  être en adhésion avec mes valeurs.

Ce n’est pas parce que les bébés ne parlent que les professionnels doivent se taire par Winni pote

Mais pourquoi protester ? Pourquoi résister ?

Plutôt que de maugréer dans son coin, d’être en désaccord et pour autant continuer de subir sans rien dire, en serrant les dents, il est préférable de faire entendre sa voix, de la joindre à d’autres pour mieux être écouter.

Le projet TAQUET n’est que l’évolution de la dégradation de la petite enfance qui coure depuis des années. C’est le démantèlement d’acquis, la déréglementation de statuts qui protègent et assurent un minimum de qualité d’accueil.

Car les équipes sont déjà en souffrance.

Épuisée, pressurisée, mal considérée : la petite enfance souffre en silence depuis longtemps. Leurs effectifs sont réduits au minimum, plus de temps pour penser, se détacher, faire le travail de qualité et passionné pour lequel elles se sont engagées.

Les directions sont aussi en grande difficulté.
Tiraillées, sommées d’injonctions qui lui font perdre la tête et le sens de leurs actions, quand on ne leur demande pas d’aller dans l’illégalité.

Car la réalité d’une structure d’un grand gestionnaire privé c’est aussi ça :
Le surbooking, c’est tous les jours qu’il faut l’atteindre, coute que coute. Et si ces objectifs ne sont pas atteints, c’est le budget de la crèche qui est réduit, mois après mois.

Le chômage partiel sert à mettre en stand-by des professionnels que nous aurions en « trop » selon les périodes, notamment les vacances scolaires. Ce n’est donc pas lié à la COVID mais c’est bel et bien du détournement d’argent public.

Un sermon de serrage de ceinture psalmodié depuis septembre 2020 alors que l’arrêt des structures a permis aussi aux gestionnaires de belles économies : pas de frais de fonctionnement, des places vides certes mais fiancés par la CAF, et surtout ce chômage partiel qui évitait de mettre la main au porte-monnaie…

Ces économies sur la masse salariale qui continuent : des postes non-remplacés pour coller au mieux aux effectifs enfants en oubliant les réunions, les détachements, l’amplitude horaire des contrats familles, la fatigue, le burn-out. Vision déshumanisée, nonobstant la sécurité des enfants et du bien-être des équipes.

Et un manque de considération pour les collaborateurs, pour ceux qui sont réellement impliqués, engagés, passionnés, pour leur préférer des gestionnaires modèles et des pilotes/contrôleurs économiques

Cela va-t-il durer longtemps ?
Allons-nous continuer d’accepter sans sourciller ?
Jusqu’à ce que nos équipes s’écroulent ?

La logique économique court termite qui semble sous-tendre cette réforme et agit déjà dans les structures essore les équipes et joue sur le bien être des professionnels, le respect des individus, la confiance entre collaborateurs et la sécurité des enfants.

Plutôt que de miser sur l’humain, la valorisation, la fidélisation, on sépare, désunit, réduit.
Il en va de même dans tout le médico-social : mais ce n’est pas ce qu’est mouvement générale qu’on ne peut rien faire.

On peut dire non. De manière justifiée. Et surtout concertée.

Les journées de grèves et ces témoignages doivent sous-tendre une réflexion plus profonde et action collective et impérative.

Burn out par Saaluna

J’ai quitté le multi accueil il y a 5 ans : détruite. Je suis partie car j’ai fait un burnout. Je m’en suis rendue compte le jour où j’ai pleuré en salle de change, en demandant pardon à une petite fille de 18 mois d’aller si vite, de faire un change mécanique, elle qui avait tant besoin de calme et d’un moment d’individualité. Elle qui partageait son quotidien avec 20 autres enfants.
Multi accueil de 42 places nous étions quasi tout le temps à 51 voir 52… Sous couvert du décret Morano.
J’étais EJE à 100% sur le terrain sans aucun temps administratif, les projets, les observations je les écrivais à même le sol en surveillant la sieste. Pas de journée pédagogique, des réunions en plus du temps de travail après la fin des accueils, heures supplémentaires non payées à récupérer sans qu’elles soient majorées.
Pourtant j’étais jeune et j’aimais mon travail, il y a tant à apprendre des enfants et tant de beaux projets à mettre en place. Il y aurait tant à construire avec les familles. Mais dans les conditions actuelles ce n’est pas possible.  Je le vois en tant que maman maintenant, quand je récupère ma fille à l’heure de pointe que les pros ne sont plus que 2 ou 3, que dès bébés auraient besoin d’être couchés, d’autres ont faim, et les parents qui arrivent et pendant ce temps là certains se disputent. Faites le compte il n’y a pas assez de bras pour prendre soin de tous et pourtant les professionnelles y mettent toute leur énergie et leur bienveillance.

Qualité d’accueil déplorable par Emi

Auxiliaire de puériculture dans une structure accueillant 60 berceaux.
Malheureusement depuis plus d’un moment et depuis un an la qualité professionnelle  d’accueil des jeunes enfants se dégrade.
La bienveillance,  le respect, n’est plus.
Manque de professionnels,  manque de moyens,  manque de reconnaissance,  on nous presse de tout côté.  Il faut rentabiliser de plus en plus en oubliant les bien-fondés de notre métier.
Je ne reconnais plus mon métier d’accompagnement à  la parentalité,  aux soins  des enfants,  à  l’épanouissement des enfants,  aux valeurs laïques….
On nous oblige pour ce confinement à  pauser des CA , nous oblige a être mobilisable même si nous n’avons aucun moyen de garde pour nos propres enfants.  Nous avons le droit a une semaine de congé  ASA la  semaine du 6 au 9 avril.
Il y a de plus en plus d’arrêt maladie dans mon domaine car il est fatiguant,  pénible physiquement et psychiquement.  Problème de surdité,  de dos, de genoux, de surcharge de travail (et ils veulent nous ajouter des heures de travail sans compensations salariales) . La pénibilité du travail n’est pas prise en charge.  Les visites médicales sont rares et dure 5mn chrono.
Les agressions physiques et morales des familles,  le non-respect.
Le manque de matériels comme les masques,  outils pour travailler.
Les revenus qui stagnent, et mal rémunérés…
Pour le confinement,  ce n’est pas logique que les Ass mat puissent accueillir  6 enfants.  Elles ne sont pas protégées et sont considérés comme des sous professionnels,  ça me chagrine.
Je crois que la petite enfance est sous considérée,  on est du gardiennage,  des mal aimés et sous-payés. Et arrêter toutes ces publicités pour glorifier les cap qui ne sont plus embauchés ou sous payés et maltraités.
Pour en finir,  je souhaite bon courage aux jeunes qui commencent dans le métier car j’ai la quarantaine et souhaite vivement me reconvertir.  L’argent ne fait pas le bonheur  mais les politiciens ne pensent qu’à la rentabilité.
Je suis très active pour les manifestations mais désespère de l’avenir de notre métier.
Désolée d’être partie dans tout les sens.

Du différenciel entre notre formation et le terrain par Tut

Quand j’ai fait ma formation, en 2006, je l’ai adorée.
Néanmoins j’ai été frappée déjà en stage par le différenciel entre ce que j’apprenais sur le respect des besoins de l’enfant, le respect et l’accompagnement des parents et ce que je voyais dans certains lieux d’accueil.
Quand j’ai été embauchée, j’ai travaillé avec des personnes tout sauf bientraitantes.
Encore aujourd’hui, plus de dix ans après, je ne comprends pas comment à partir d’une formation pourtant très bien ficelée en terme de contenu, nous arrivons à certaines dérivés auprès des enfants.
J’y vois plusieurs items :
-le vécu personnel
-l’évolution dans les structures qui nous fait parfois oublier des principes fondamentaux de sécurité et de bienveillance face à des équipes et responsables parfois maltraitantes (et maltraités !)
-la politique de la petite enfance, qui tend de plus en plus vers du remplissage, de la rentabilité etc au détriment du bien être des enfants et de ses professionnels.

La prévention que nous sommes sensés faire auprès des familles n’a plus son cours aujourd’hui.
Quel professionnel ose encore dire aux parents qui souhaitent mettre leur enfant en crèche pour les sociabiliser que les enfants se sociabilise d’eux même lorsqu’ils se sentent secure ?
Non.
On vante les bienfaits de l’accueil du jeune enfant, de la séparation du parent et de son enfant.
Oui, dans certains cas accueillir un enfant en collectivité est nécessaire :
Recherche d’emplois, manque de ressources familiales, problèmes de handicap, parent solo ou parents travaillant tous les deux, dépression etc.
Je vois pourtant aussi des parents qui arrivent et qui finalement ne sont plus très sûrs de vouloir faire garder leur enfant en collectivité, parce que finalement, ils ont trouvé d’autres solutions etc, et des responsables qui font de la pub pour la collectivité pour remplir leurs quotas…
Dans mon évolution pro et Perso je me suis autoformée au parentage, à l’accueil des émotions, la communication non violente, j’ai lu Catherine Gueguen.
Cette personne préconise, pour un accueil optimal en collectivité, un adulte pour 2-3 enfants qui ne marchent pas et un pour 4-5 enfants qui marchent.
Nous sommes dans un système à deux vitesses :
D’un côté les neuro sciences qui par leurs découvertes préconisent plus d’adultes pour moins d’enfants, un accueil axé de plus en plus sur l’individu et ses ressentis, et de l’autre un gouvernement capitaliste qui vise la rentabilité sur du social.

De fait.
Les quotas d’enfants augmentent.
Les personnels déjà pas assez nombreux ne sont pas remplacés quand il y a des absences et le comble c’est qu’il nous faut quand même accueillir tous les enfants.
Nous sommes en plus muselés par ce droit de réserve.
Celui qui nous empêche d’expliquer nos conditions de travail aux parents, d’expliquer pourquoi nous faisons grève, dans quel intérêt.
Les parents, pour la plupart, n’ont aucune idée de ce qui se passe dans les coulisses.
Ils viendraient certainement plus facilement manifester avec nous si tel était le cas.

Bref.
Triste époque.

Sections bondées et planning instable par Riiko

Je me suis reconvertie dans la petite enfance après 11 ans de carrière dans le commerce international. J’adore mon nouveau métier, je suis auxiliaire de puériculture en multi-accueil municipal depuis 1 an. Cependant, je déplore de voir nos sections bondées et les espaces qu’ils ont trop petits. Dans ma section nous pouvons monter jusqu’à 30 enfants. Alors oui nous sommes une grande structure mais je trouve ce nombre excessif. Les enfants le ressentent, ils n’ont pas beaucoup de place. Nous essayons de dégrouper au maximum mais lors des temps forts ce n’est pas possible. Ce qui me pèse également ce sont ces changements de planning à répétition. Durant ce mois de mars j’ai eu plus de 5 planning différents, et parfois à la dernière minute. Cela impacte ma vie privée et mon moral. Avec ce 3ème confinement, ma structure sera mobilisée mais toute les équipes vont changer ce qui fait que je travaillerai avec des collègues et des enfants que je ne connais absolument pas. C’est très dur.