20 ans d’expérience par Pauline

Je suis EJE. J’ai travaillé dans plusieurs endroits qui me donnent une vision claire du sujet: on ne s’en sortira pas si de telles mesures passent. Ni les parents, ni les professionnels, ni et surtout eux, les enfants.
J’ai travaillé pendant 2 ans dans une crèche privée et c’était complètement dingue: des contrats à amplitude maximum étaient vendus aux parents, aucun détachement de l’EJE, un turn-over de malade (la moitié du personnel était nouveau à une rentrée), un salaire de merde, rien ne fonctionnait derrière la vitrine parfaite montrée aux parents.
Je suis partie, écœurée. J’ai retrouvé l’associatif, une crèche qui me ressemble et je sais que nous ne pourront protéger les familles si le décret est applicable.  J’invite Adrien Taquet à venir faire un stage, je serai heureuse de l’accueillir et de constater que comme lui, nous n’avons que deux bras et un cerveau. Mais contrairement à lui nous, professionnels de la petite enfance, nous connaissons notre sujet et nous avons la légitimité de nous opposer.

Il y a 9 mois …un texte écrit il y a 3mois par MaThiLdE

Il y a 9 mois, la crèche dans laquelle je travaille a fermé.
C’était le premier confinement.
Considérée personne à risque, j’ai télé-travaillé, uniquement.
Mon conjoint a travaillé en présentiel, il est moniteur-éducateur en foyer d’hébergement. Nous avons 2 enfants, qui étaient donc eux aussi en « télétravail », et devaient suivre leur scolarité à distance.
Ils sont d’ordinaire autonomes et en âge d’utiliser seuls l’outil informatique.
L’un d’entre eux a traversé des difficultés dans la poursuite de ses apprentissages en « distanciel ». Je ne me suis aperçu de rien jusqu’à l’appel de son professeur principal…

Au sein de l’équipe dans laquelle je travaille, certains agents ont été sur le terrain pendant ce premier confinement, dans l’établissement resté ouvert aux enfants des personnes prioritaires, ou affectés à d’autres services, sur la base du volontariat.
On a réfléchi et échangé ensemble : rejoindre de nouvelles équipes, parfois auprès d’un autre public, le port du masque et l’accueil d’enfants que nous ne connaissions pas, la gestion des protocoles sanitaires en place, l’inquiétude personnelle… comment protéger nos familles ? Le partage d’expériences nous a aidé à traverser cette étrange période.
Bien sûr, on a veillé à maintenir le lien avec les familles, à proposer des contenus : site d’infos, lectures, activités, vidéo : on a même créé une chaîne You tube !
On a aussi continué à se mobiliser sur des projets : éveil culturel, fête et sortie de fin d’année. Je ne peux pas m’empêcher d’y repenser avec une pointe de tendresse et d’amertume. Bien sûr, aucune festivité de fin d’année n’a vu le jour…

Mai est arrivé, la réouverture était annoncée.
Je suis allée faire établir un certificat médical par mon médecin traitant attestant que j’étais apte au travail (je suis une malade chronique observante, bonne élève, bien équilibrée).
J’ai repris le chemin de la crèche. Avec mes collègues, on a passé une journée à tester les nouveaux protocoles, faire des changes de poupons comme si on passait des examens pratiques en milieu hospitalier : crise sanitaire oblige.
On a joué à se laver les mains à la gouache noire pour vérifier qu’on passait bien partout, on a crée des outils de traçabilité pour l’entretien, on a fait des TP « Port du masque et bonnes pratiques ».

La rentrée est arrivée, à effectif réduit : 10 enfants, selon des critères de priorité.
On se changeait en intégralité avant de prendre notre poste, on ne pouvait pas travailler avec des vêtements qu’on avait portés à domicile, un sac fermé pour transporter nos tenues et différencier propre et sale, on se douchait avant de partir pour la plupart d’entre nous. C’était toute une organisation.
Retrouver parents et enfants en portant le masque, se découvrir nous, masquées, apprivoiser cette nouvelle communication. Les voix modifiées, le para verbal moins riche, la façon dont nous devons forcer dessus pour nous faire entendre, les stratégies compensatoires, les nouveaux rituels.
Accueil du matin, transmissions orales ensourdinées par ce masque, accueil de l’enfant, séparation parfois compliquée, qu’il faut enchaîner avec la prise de température, et le lavage de mains. Trouver le bon compromis entre le temps qu’il faut à l’enfant pour accepter le geste et le besoin d’avoir terminé pour pouvoir accueillir l’enfant suivant.
Les points de contact à faire toutes les heures, les caisses de jeux à nettoyer (sur lave-vaisselle propre et vidangé, sinon ce n’est pas du nettoyage) 2 fois par jour au début…
Les enfants qui touchent ou arrachent nos masques, les endormissements aux bras, le besoin de réassurance après tant de chamboulement…c’est évident. Et pourtant ça demande tellement de travail maintenant, ces gestes spontanés qu’on pouvait avoir et qui sont devenus des risques : laisser un bébé toucher notre visage, notre bouche parfois, le bercer en proximal, le contenir, accueillir ses émotions, lui laver le nez, changer une selle.
Plus rien n’est pareil, et tout est pourtant comme avant.
Les besoins des jeunes enfants sont les mêmes.
Et tout professionnel de la petite enfance sait très bien que la collectivité, déjà en temps normal n’est pas le mode d’accueil le plus adapté au bébé. Ce qui ne signifie pas qu’il ne présente pas d’intérêt ou qu’il est délétère.

En cette période de reprise, on est en sureffectif. Et on s’en sort. Le travail est fait mais on ne se sent pas au club Med de la Petite Enfance : procédures sanitaires, lavages de mains des enfants au moins 5 fois par jour, travail administratif, mise en place de petites barquettes individuelles pour le matériel de jeu des enfants, salle des bébés réorganisée en « décontamination » : on utilise des jouets, parfois non lavables puis on les isole une semaine. Si on peut, on les lave à haute température.
On exploite au maximum l’extérieur car on a la chance d’avoir un potager et un jardin: les enfants jouent, mangent, goûtent en plein air.

L’été est là, on passe de drôles de vacances, la crise sanitaire rôde, on doit toujours se masquer, on le porte toute la journée quand on bosse, et puis il faut aussi le porter pour sortir maintenant, même en extérieur. Si on va au cinéma, si on veut aller faire un peu de shopping, si on va au restaurant, quand on circule, pas moyen d’y échapper, de ne plus y penser, de décompresser…

La reprise arrive, et plein pot cette fois, retour à la « normale » dans un monde tout sauf normal.
Premier jour, première matinée : un agent a eu un appel médical pour une procédure PMA, elle doit quitter son poste, maintenant.
Elle était en familiarisation. Le papa et l’enfant sont là. Problème : les 2 autres agents présents sont en familiarisation également et ne peuvent la remplacer.
Le temps de faire venir une collègue au pied levé en urgence, les présentations sont faites, et la journée commence. Drôle de rentrée.
Familiarisations sanitaires, création du lien de confiance et d’attachement par le regard, et le langage corporel. Gestion des plannings des accueils pour éviter les regroupements de parents, propositions, réajustement, souplesse.
Mes journées me semblent saturées. Pourtant je travaille dans une structure « à taille humaine » avec une équipe très solidaire où chacun fait de son mieux.
Je le sais, j’en suis consciente. Il n’y a pas d’absentéisme particulier. Deux agents à temps partiel, un petit arrêt maladie par ici, un agent en congés par là, un RTT, une récup d’heures sup’. Les taux d’encadrement tels qu’ils sont prévus par la réglementation sont bien conformes.

Pourtant les journées sont denses et les repos étranges.
Affiche du ministère à l’appui, dans notre salle de pause c’est écrit, même quand on est dans la sphère privé, la vigilance est de mise.
Si on voit des amis ou de la famille, on doit faire attention à tout : les distances, les lieux, les échanges. Faudrait pas qu’on en vienne à se contaminer, à être en arrêt, à manquer dans nos équipes. Viendrait alors s’ajouter à la maladie, un sentiment de culpabilité. Notre voisin l’Hôpital est en difficulté : maintenant il a du matériel mais plus de personnel. Malade, épuisé, écoeuré, burn-outé.

Les journées à la crèche se suivent et se ressemblent : on ouvre à 7h30 et le premier enfant arrive à 7h30. Les parents sont sous pression, vivent eux aussi une période anxiogène. Dès l’ouverture en 1h de temps on passe de 1 à 11/12 enfants présents.
Ça nous laisse une moyenne de 5 minutes par enfant pour accueillir, faire les transmissions, prendre la température et laver les mains.
Du travail à la chaîne. Une chaîne attentive et bienveillante mais une chaîne.
Je n’ai jamais autant porté que depuis que je travaille masquée. Les bébés, les petits, les plus grands, les séparations se font beaucoup de bras en bras. C’est plus contenant.
Rester au sol en posture du Phare, c’est devenu mission-impossible. Entre 2 accueils, une selle à changer et un coucher, les ancrages se font de plus en plus brefs.
Quand le guide ministériel précise qu’il est nécessaire de laver les mains des enfants plusieurs fois par jour, nous lavons les mains, et faisons réellement ce soin préventif.
Mais pourquoi laver les mains au savon et à l’eau ? Mouiller les mains, chanter la chanson rituelle, mettre le savon, faire avec l’enfant, passer partout, rincer aussi longtemps que ce qu’on a savonné, sécher à usage unique, revenir en salle.
Parce que si on veut lutter contre la propagation d’un virus, c’est ainsi que l’on est efficace.
On va le refaire ce geste avec l’enfant, avec chaque enfant, quel que soit son âge, groupe, rythme, nombre de professionnels présents, accueils ou retours en cours, transmissions, pleurs, réveils-couchers-repas échelonnés: avant le repas, après le repas, avant le goûter, après le goûter, après chaque activité, et à chaque fois que l’enfant aura touché notre masque.
Parfois on va différer un peu, et prendre 2, voire 3 enfants en même temps, parfois on aura un bébé dans les bras, mais on le fera tout autant. Parce que c’est contraignant, mais c’est dans l’intérêt des tous : les enfants, leurs familles, et nos collègues.

L’automne est là, les fièvres arrivent : isolement, appel aux parents, attente. Equipe amputée d’un agent le temps que la situation se débloque. Atmosphère un peu électrique, pleurs d’enfants, soutien des collègues. Consultation, avis médical, retour rapide ou non, avec traitement ou non, de toute façon le quotidien n’est plus comme avant. Au travail, en dehors…est-ce la lassitude, la fatigue, la vigilance permanente, la difficulté de composer avec certaines mesures avec lesquelles on n’est pas en accord mais que l’on va appliquer et respecter ?
J’essaie d’être attentive et disponible pour les enfants : tous les enfants de la crèche mais aussi ceux de mon groupe. Je suis référente cette année. Une famille se fait accompagner par un « coach en sommeil » pour son enfant, les parents sont épuisés par les endormissements aux bras et les nuits compliquées. La maman est en arrêt maladie. Nous avons un protocole sieste à respecter : proposer un temps de repos au maximum 2h30 après le dernier lever, selon un rituel bien précis, et rester auprès de cet enfant au moins 20-30minutes. Si l’enfant ne s’endort pas, on le relève et on réessaie aux signes de fatigue. La même chose : soit minimum 20 minutes d’isolement avec cet enfant. La singularité dans la collectivité, c’est un vrai travail d’équipe.

La toussaint arrive, l’un de mes enfants devait rejoindre un cousin du même âge qui est en deuil et a perdu son père au printemps dernier. Devait … car la veille du départ, la fièvre s’invite au Rdv. Consultation, test PCR, pas d’avion, pas de vacances avec le cousin, c’est un drame.
Dès l’apparition de la fièvre, à la maison c’est isolement strict, repas solo en plateau repas, port du masque pour sortir de la chambre, douche en dernier, désinfection des points de contact.
On est 4 à la maison et on est tous en lien avec beaucoup de public. On n’a vraiment pas envie d’être des vecteurs de la Covid-19. On n’a pas spécialement peur pour nous, on comprend juste le mécanisme de diffusion…
Comme c’est les vacances scolaires, à la crèche il y a des agents en congés, je ne veux pas mettre mes collègues en difficulté, le temps du test et de la phase fébrile de notre enfant (qui a demandé à avoir un parent auprès de lui, ce qui n’est encore jamais arrivé), je demande à mon conjoint de prendre des jours enfant malade. Et moi je vais travailler. Comme si j’étais malade : je mange isolée, je porte mon masque tout le temps, dès que je n’ai pas de nourriture à enfourner dans ma bouche, même quand je suis seule dans une pièce.
Finalement le test est négatif, ce n’est pas la Covid-19, ouf. Bonne nouvelle.
Mais mon conjoint reçoit un appel de son chef de service : chez lui, les jours enfant malade ça s’arrête à 13 ans. Notre enfant en a 14. Il est contraint de poser 2 CA.
Charmant. A la crèche, on a un agent cas contact pendant les congés, les collègues vont se serrer les coudes pour que chacun puisse souffler. Pas de vacances annulées, mais quelle situation désagréable de constater que le repos des unes a pour prix la sur-fatigue des autres.

Le second confinement arrive pendant ces vacances scolaires, c’est un drôle de confinement parce que c’est sélectif. Chez moi on continue tous à sortir.
L’attestation fait son grand retour. Elle ne nous avait pas manqué celle-là.
Pendant les vacances, les dernières familiarisations ont eu lieu.
L’une d’entre elles avait été décalée pour cause de Covid-19 positif chez la maman. L’enfant aussi a été malade, mais non testé (c’est un bébé). La crèche est presque pleine. Mais pas complètement.
Le matin, quand on ouvre à 7h, le rythme est maintenant bien intense : allumer le lave-vaisselle, lire les transmissions de la veille dans le cahier d’équipe, préparer une dizaine de biberons selon notre protocole (charlotte, masque, sur blouse, etc..), assurer la traçabilité alimentaire, ainsi que celle des frigos, faire l’installation de la salle, le rangement des caisses de jeux lavées la veille, passer ce qui n’a pas pu être fait la veille si c’était trop tendu, tout ça en moins de 30 minutes.
On ne chôme pas.
On croise les doigts pour que tout soit ok sur les repas sinon on sait que c’est une difficulté supplémentaire d’appeler le prestataire, gérer la situation, trouver une solution. Heureusement notre agent d’entretien a l’esprit d’équipe et sait prioriser son travail. Solidaires qu’on est.
Notre collègue arrive à 7h30 et avec elle arrive le premier accueil. Pas de temps calme. La journée défile, en un éclair c’est la fin. La fatigue cumulée de la journée est là, pour les enfants et pour l’équipe. On a moins de ressource, et toujours autant à cœur de travailler dans le respect d’autrui. Il y a des levers et goûters échelonnés parfois jusqu’à 17h30.
Désinfecter les panières à doudou de chaque enfant, nettoyer la biberonnerie, stériliser les biberons, vérifier les températures des frigos, continuer à être présente en faisant des transmissions, en faisant des tâches, essayer de se dédoubler.
Parce que les retours réactivent la séparation du matin, parce que la nuit est tombée, parce que la fatigue se fait sentir, les pleurs me semblent parfois presque constants à partir de 17h.
Comme tous les ans en hiver, on accueille des enfants malades. Pas fébriles, ça non, mais malades : ils dorment mal, sont fatigués, ont le nez qui coule, sont inconfortables. Les familles travaillent, télé travaillent, les enfants sont là.
Ils ont besoin de repos, de réconfort, de portage, de soins, de calme. Ils ont un état général conservé, on ne peut pas leur refuser l’accueil.
Au quotidien, les habituels nez qui coulent, toux qui réveillent et écourtent les temps de repos, selles molles, pipis au slip, phase d’opposition sont comme autant de petites gouttes qui me font monter les larmes aux yeux.
Presque tous les enfants de mon groupe ont été mordus, l’un d’entre eux au visage et à sang la semaine dernière, sous mon nez, sous mes yeux, et je n’ai rien vu venir, je n’ai pas pu empêcher.
Parler aux familles, entendre les inquiétudes, accepter les mécontentements, rester à l’écoute, rassurer, faire vivre et évoluer le lien parfois tout récent que l’on a créé. Recevoir les parents, agir, ne pas baisser les bras, continuer à exercer. Pas évident tout ça…
En temps normal déjà c’est un exercice de funambule, qui demande concentration, observation, remise en question, prise de recul et travail d’équipe quotidien, permanent.

Je n’ai pas tout raconté, et je n’ai pas spécialement choisi, j’ai juste témoigné parce que ça m’aide d’écrire, ça sort de moi ces peines, ces difficultés que je suis entrain de vivre.
Moi, c’est chacune d’entre nous et chacune d’entre nous est moi.
On revient de bon cœur le lendemain, retrouver les enfants, les collègues, les familles, c’est une page blanche chaque jour. Mais ce n’est pas facile pour autant.

Seule par Emy

Je travaille dans une unité de 15 à 17 enfants en inter âge
Tous les jours, il y a une collègue seule de 13h à 13h45 qui doit gérer 8 enfants ou plus  , faire manger les bébés qui viennent de se lever, changer les couches, surveiller que les autres enfants dorment, gérer les conflits … c’est un moment pesant psychologiquement

Qu’ont-ils fait de nos métiers ? par Isabelle

Je suis auxiliaire de puériculture depuis 1988.  J’ai tenu bon pendant des années. Malgré les douleurs, malgré les tendinites, malgré les lombalgies, cervicalgies … J’ai toujours été de celles qui dépannent, non pas forcément pour aider les collègues qui ne renvoient pas toujours l’ascenseur, mais parce qu’à chaque fois, je me disais « ce sont les enfants qui vont trinquer ». Parfois, cela au détriment de mes propres enfants. J’ai serré les dents. Mais, depuis quelques temps, je n’y arrive plus. Aller travailler la boule au ventre, parce qu’on va être peu nombreuses, certes, dans les règles, mais pas assez pour faire du bon boulot. Pas assez pour aider M. à parler un peu plus, pas assez pour aider V. à aller un peu plus vers les autres, pas assez pour faire faire plus de motricité à T. qui ne tient pas en place. Pas assez pour éviter de coucher Y. à 12h30 et qui du coup, va s’agiter dans son lit pendant 1heure avant de pouvoir s’endormir. Pas assez pour …. pas assez pour faire ce que j’ai appris à faire, ce que je veux faire. Ce sentiment de frustration parce qu’on a plein de projets dans la tête mais qu’on n’arrive pas à les mettre en place ou à les terminer. Ce sentiment de ne faire que de la garderie. Garder les enfants, comme on garderait les poules.
Aujourd’hui, je sais que je vais quitter la crèche. Quand ? Je ne sais pas exactement. La machine est enclenchée. Mais je sais juste que je vais quitter la petite enfance avec un goût très amer. Parce qu’au lieu de finir en beauté, je vais arrêter non seulement toute cassée, mais surtout très triste de ce qu’est devenue mon métier. Celui que j’avais choisi avec forte conviction de faire quelque chose de bien. Aujourd’hui, je n’en suis plus sûre du tout. Je ne suis plus convaincue des conditions d’accueil des jeunes enfants. Aujourd’hui, si j’avais un enfant, je ne le mettrai pas en crèche.  Mais qu’ont-il fait de nos métiers ? Et que continuent-ils à faire de nos métiers ?  On nous parle du bien être des enfants, mais nous sommes en permanence en maltraitance envers ces enfants.

Seul par Chris

Sur le groupe des bébés, jusqu’à 16 enfants entre 12h30 et 14h30 nous sommes que 2 pros car une est en coupure et une autre en pause repas ! Si ma collègue donne des repas je peux me retrouver avec 11/12 enfants seule à donner un biberon, faire des accueils des levers/couchers/changes… gros moments de stress

Conditions d accueil déplorables par Mad

Je travaille en crèche depuis maintenant 8 ans j’ai pu voir les conditions d’accueil se dégrader surtout ces dernières années : toujours plus d’enfants pour moins de professionnels, on se retrouve parfois (souvent) à 2 pour 14 bébés  ( 3 sur le planning mais comme la pro de fermeture arrive à 11h et que celle d’ouverture part à 15h …ajoutez à cela les pauses de pro entre midi et 15h le calcul est vite fait…1h à 3).
Impossible dans ces conditions de répondre aux besoins des enfants avec bienveillance, en prenant le temps et en proposant des activités qui leur permettraient de s’épanouir… Au lieu de cela c’est vite vite vite je te change je te donne à manger, je te couche il n’y a de place que pour cela.
Ajoutez à cela la pression et le harcèlement subi par les supérieurs qui ne pensent qu’à l’argent  il faut remplir, il faut faire des activités et les prendre en photo pour pouvoir montrer aux parents comme on fait de jolies choses avec leurs enfants,  (tout est dans le paraître), changement de planning incessant et au dernier moment, menace d’avertissement pour la moindre petite chose (si vous ne remplissez pas bien ces feuilles c’est avertissement…), changement de l’organisation des sections sans demander l’avis des pro qui y travaillent, abus de cdd avec lesquels ils font tout et n’importe quoi et j’en passe car je pourrais en écrire encore beaucoup….

Tout cela pour dire que les conditions d’accueil des enfants sont déplorables et les conditions de travail du personnel ne sont pas mieux, aucune reconnaissance pour tout ce que l’on fait. Ce n’est pas comme cela que je vois mon travail que je fais avec passion et amour… tout cela est en train de m’en dégoûter et ce qui me fait le plus mal c’est pour ces tout petits enfants qui commencent leur vie dans des conditions de stress énorme et qui ne demanderaient pourtant qu’à être au calme, chouchouter et accompagner dans la bienveillance.

À la merci de nos gestionnaires par ejedesabusee88

Quand notre situation professionnelle dépend des exigences et caprices de nos gestionnaires… N’importe quel parent peut se retrouver propulser à la tête d une association gérant un EAJE. Bien sûr les délégations existent afin que des directeurs/trices, formées petite enfance, gèrent au mieux les équipes et les familles accueillies. C’est sans compter sur les parents élus en CA pour notre cas, chacun étant là pour son petit profit perso, vengeance personnelle, manque de reconnaissance, besoin de se sentir important, revendre ses produits professionnels… Des décisions sans aucun fondement, posées par des non professionnelles de la petite enfance sont alors passées en force, en dépit des avis des professionnelles de direction et terrain. Et quand les pros s’opposent, le gestionnaire peut alors tout à fait vous menacer de licenciement, vous ôter des taches et vous reléguer au placard. Et personne pour vous soutenir et vous défendre. Alors quel poids ont réellement les vrais acteurs de la petite enfance. Quand serons nous protégés, soutenus, entendus ? Rappelons le, nous accueillons les adultes de demain, nous ne sommes pas dans une logique de rentabilité, ou dans des guéguerres de pouvoir.

Confinement et manque de reconnaissance par Za

Cela fait un an que nous subissons le covid.
Et les protocoles doivent en retard et doivent inapplicables.
Et le manque de personnel lié ou pas à ce virus.
Et le manque de respect puisqu’on nous laisse exercer à demi effectif depuis des semaines.

Mais la c’est trop.

Après avoir tant donner de nos personnes voilà que l’on nous impose des congés pendant la dernière semaine de ce confinement parce que vous comprenez vous êtes tellement privilégiés….

Je n’ai plus de mot. Ni de force

À quand une vraie politique petite enfance !!!! par Bila

Depuis quelques années le monde de la petite enfance ,les professionnels petite enfance vivent des choses exécrables au quotidien, manques de personnelles , usures, fatigue, déception sont les maîtres mots de notre métier.
Note mission première est oubliée pour ne faire que du gardiennage !
Rentabilité !
Voilà ce qui a été dit à la direction petite enfance à la mairie de xxx !!!!
Je suis horrifié, en colère, je n’ai pas choisi ce métier pour ça !
À quand une véritable politique petite enfance ?!
À quand une reconnaissance de notre métier !?????

Traumatisme par Marie34

En 2013, je travaillais dans un multi accueil de 35 berceaux. Celui-ci comprenait trois sections. Je m’occupais en tant qu’EJE du secteur des moyens (15/24 mois), et nous étions 2 pour 16 enfants, sauf une heure dans la journée, généralement entre 12h30 et 13h30.
Autant dire que les pauses, notamment pipi se faisaient rares, car laisser seule sa collègue avec 16 enfants ce n’était pas possible. Pour l’accompagnement  auprès des enfants, je vous laisse imaginer, un véritable travail à la chaîne…
Un après-midi, pendant le goûter, ma collègue ne pouvait plus attendre et me demande à aller aux toilettes. Les 16 enfants étaient répartis sur 4 tables, tout se passait tranquillement donc c’était le bon moment pour en profiter.
Moins d’une minute plus tard je remarque un enfant qui ne bougeait plus. Je me souviens m’être approchée de lui pour lui demander si tout aller bien. Son visage était figé. Puis d’un coup son visage est devenu violet, puis bleu, ainsi que ses lèvres.
Ni une ni deux j’ouvre sa bouche mais je ne vois rien, ça devait être coincé plus bas. Je commence la technique de heimlich que je n’avais jamais pratiqué en réel sur un enfant (ni sur un adulte d’ailleurs). Ça ne sortait pas. Je commence à appeler à l’aide mais personne ne m’entendait. Tous les secteurs étaient fermés et loin les uns des autres. Ma collègue n’était partie que depuis 2 ou 3 minutes mais ça me semblait une éternité.
J’essayais de ne pas montrer mon stress aux autres enfants car il n’y avait personne pour les rassurer mais mes cris pour appeler à l’aide ont commencé à en faire pleurer certains.
Un bout de pain est enfin sorti de la bouche de l’enfant. Plus de peur que de mal, il m’a souri puis a repris un autre morceau de pain, comme si de rien était, alors que je tremblais comme une feuille. Ma collègue est arrivée et m’a vue blanche comme une craie. Je lui ai demandé d’aller chercher la directrice pour qu’elle vérifie l’état de santé de l’enfant, et je suis allée rassurer les autres enfants en attendant.
Lorsqu’elle m’a dit « tout va bien », je me suis effondrée. Je me suis mise à pleurer et je n’arrivais plus à m’arrêter.
Pendant ce temps où j’essayais de lui sauver la vie, j’étais seule, et je me disais que s’il lui arrivait quelque chose ça serait ma faute, entièrement ma faute, que j’étais responsable.
Depuis j’ai une appréhension terrible lors du repas et notamment lors du passage en morceaux pour les bébés. Je suis souvent obligée de passer le relais à mes collègues car je garde un traumatisme que je n’ai pas réussi à soulager.

Donc aujourd’hui, quand je vois cette réforme, ça me met en colère ! Il y a des établissements qui n’embauchent du personnel qu’en fonction des lois, donc le strict minimum. Et les conditions d’accueil sont déplorables autant pour les enfants que pour les professionnels. Et ils veulent encore augmenter le nombre d’enfants par pro (et bien d’autres choses)  ?
La sécurité des enfants est en jeu, leur bien-être, ainsi que celui des professionnel.le.s qui prennent soin d’eux au quotidien.
Non au travail à la chaîne, non à la mise en danger des enfants, non à l’épuisement des professionnels de la petite enfance dans le but de « créer des places tout en rentabilisant ce genre de service » !