Qu’ont-ils fait de nos métiers ? par Isabelle

Je suis auxiliaire de puériculture depuis 1988.  J’ai tenu bon pendant des années. Malgré les douleurs, malgré les tendinites, malgré les lombalgies, cervicalgies … J’ai toujours été de celles qui dépannent, non pas forcément pour aider les collègues qui ne renvoient pas toujours l’ascenseur, mais parce qu’à chaque fois, je me disais « ce sont les enfants qui vont trinquer ». Parfois, cela au détriment de mes propres enfants. J’ai serré les dents. Mais, depuis quelques temps, je n’y arrive plus. Aller travailler la boule au ventre, parce qu’on va être peu nombreuses, certes, dans les règles, mais pas assez pour faire du bon boulot. Pas assez pour aider M. à parler un peu plus, pas assez pour aider V. à aller un peu plus vers les autres, pas assez pour faire faire plus de motricité à T. qui ne tient pas en place. Pas assez pour éviter de coucher Y. à 12h30 et qui du coup, va s’agiter dans son lit pendant 1heure avant de pouvoir s’endormir. Pas assez pour …. pas assez pour faire ce que j’ai appris à faire, ce que je veux faire. Ce sentiment de frustration parce qu’on a plein de projets dans la tête mais qu’on n’arrive pas à les mettre en place ou à les terminer. Ce sentiment de ne faire que de la garderie. Garder les enfants, comme on garderait les poules.
Aujourd’hui, je sais que je vais quitter la crèche. Quand ? Je ne sais pas exactement. La machine est enclenchée. Mais je sais juste que je vais quitter la petite enfance avec un goût très amer. Parce qu’au lieu de finir en beauté, je vais arrêter non seulement toute cassée, mais surtout très triste de ce qu’est devenue mon métier. Celui que j’avais choisi avec forte conviction de faire quelque chose de bien. Aujourd’hui, je n’en suis plus sûre du tout. Je ne suis plus convaincue des conditions d’accueil des jeunes enfants. Aujourd’hui, si j’avais un enfant, je ne le mettrai pas en crèche.  Mais qu’ont-il fait de nos métiers ? Et que continuent-ils à faire de nos métiers ?  On nous parle du bien être des enfants, mais nous sommes en permanence en maltraitance envers ces enfants.