Traumatisme par Marie34

En 2013, je travaillais dans un multi accueil de 35 berceaux. Celui-ci comprenait trois sections. Je m’occupais en tant qu’EJE du secteur des moyens (15/24 mois), et nous étions 2 pour 16 enfants, sauf une heure dans la journée, généralement entre 12h30 et 13h30.
Autant dire que les pauses, notamment pipi se faisaient rares, car laisser seule sa collègue avec 16 enfants ce n’était pas possible. Pour l’accompagnement  auprès des enfants, je vous laisse imaginer, un véritable travail à la chaîne…
Un après-midi, pendant le goûter, ma collègue ne pouvait plus attendre et me demande à aller aux toilettes. Les 16 enfants étaient répartis sur 4 tables, tout se passait tranquillement donc c’était le bon moment pour en profiter.
Moins d’une minute plus tard je remarque un enfant qui ne bougeait plus. Je me souviens m’être approchée de lui pour lui demander si tout aller bien. Son visage était figé. Puis d’un coup son visage est devenu violet, puis bleu, ainsi que ses lèvres.
Ni une ni deux j’ouvre sa bouche mais je ne vois rien, ça devait être coincé plus bas. Je commence la technique de heimlich que je n’avais jamais pratiqué en réel sur un enfant (ni sur un adulte d’ailleurs). Ça ne sortait pas. Je commence à appeler à l’aide mais personne ne m’entendait. Tous les secteurs étaient fermés et loin les uns des autres. Ma collègue n’était partie que depuis 2 ou 3 minutes mais ça me semblait une éternité.
J’essayais de ne pas montrer mon stress aux autres enfants car il n’y avait personne pour les rassurer mais mes cris pour appeler à l’aide ont commencé à en faire pleurer certains.
Un bout de pain est enfin sorti de la bouche de l’enfant. Plus de peur que de mal, il m’a souri puis a repris un autre morceau de pain, comme si de rien était, alors que je tremblais comme une feuille. Ma collègue est arrivée et m’a vue blanche comme une craie. Je lui ai demandé d’aller chercher la directrice pour qu’elle vérifie l’état de santé de l’enfant, et je suis allée rassurer les autres enfants en attendant.
Lorsqu’elle m’a dit « tout va bien », je me suis effondrée. Je me suis mise à pleurer et je n’arrivais plus à m’arrêter.
Pendant ce temps où j’essayais de lui sauver la vie, j’étais seule, et je me disais que s’il lui arrivait quelque chose ça serait ma faute, entièrement ma faute, que j’étais responsable.
Depuis j’ai une appréhension terrible lors du repas et notamment lors du passage en morceaux pour les bébés. Je suis souvent obligée de passer le relais à mes collègues car je garde un traumatisme que je n’ai pas réussi à soulager.

Donc aujourd’hui, quand je vois cette réforme, ça me met en colère ! Il y a des établissements qui n’embauchent du personnel qu’en fonction des lois, donc le strict minimum. Et les conditions d’accueil sont déplorables autant pour les enfants que pour les professionnels. Et ils veulent encore augmenter le nombre d’enfants par pro (et bien d’autres choses)  ?
La sécurité des enfants est en jeu, leur bien-être, ainsi que celui des professionnel.le.s qui prennent soin d’eux au quotidien.
Non au travail à la chaîne, non à la mise en danger des enfants, non à l’épuisement des professionnels de la petite enfance dans le but de « créer des places tout en rentabilisant ce genre de service » !