Communication, soutien managérial et optimisation sont les maitres mots de notre feuille de route en 2021 ! par Vert Dodu

Le système éclate.
Nous avons raté le coche en 2010 quand déjà nous descendions dans la rue pour contester prédire de ce qui allait se passer.
Nos valeurs sont bafouées, les enfants égratignés, les parents consommés, les professionnels compressés.
Voici notre feuille de route pour 2021 :
– Communication !
– Soutien managérial !
– Optimisation !
Vous devez penser que je bosse chez Leroy Merlin…
Trop de souffrance, je ne me reconnais plus alors je pars pour retrouver santé mentale et liberté de travail.
Ah, au fait hier, la petite R. jeune trisomique de 8 mois m’a fait un sourire….

Moi, maltraitante par Lisa

Alors que deux collègues sont absentes depuis deux semaines sans être remplacées, nous courons dans tous les sens pour réussir à faire l’essentiel. Coucher les enfants, les faire manger, les changer. Mais aujourd’hui je suis à bout.

Les enfants sont très énervés, ils sont toujours aussi nombreux, toujours entassés dans cette même pièce de vie, si on peut appeler ça ainsi, moi je dirai plutôt que c’est un grand couloir. Ils crient, se chamaillent, mais nous avons à peine le temps de résoudre les conflits. C’est l’heure des départs. Une professionnelle enchaîne les transmissions aux parents. Une autre a pris un groupe d’enfants dans le dortoir avec des legos pour tenter d’apaiser l’ambiance. Moi, je m’active à changer les dernières couches et vérifier que tout les enfants sont bien débarbouillés du goûter. J’entends des parents s’agacer car leur enfant a le nez tout sale. Je me dépêche encore plus car je sais que bientôt Louisa va partir et que sa couche est pleine. Mais la priorité, c’est Dorian qui a fait une selle depuis une demi-heure que je n’arrive pas à changer. Il s’amuse de me voir courir et voudrait jouer mais je n’ai pas le temps. Au bout de quelques demandes pour qu’il vienne avec moi, je m’impatiente et le préviens que je viens le chercher. Il s’en va en courant dans la direction opposée. Je l’attrape alors par le bras et l’entraîne dans ma direction, ses pieds ne touchent plus le sol car il se laisse alors traîner en pleurant. À bout de nerfs je le tire ainsi jusqu’à la salle de change, il n’y a pas de temps à perdre.
Dorian se plaindra ensuite pendant deux jours de son bras.
C’était il y a quatre ans maintenant, mais je m’en veux encore. Jamais, je n’aurai pensé pouvoir avoir ce genre de pratiques maltraitantes. Je ne me l’excuserai jamais, mais je sais que jamais il n’y aurai eu ce genre de pratiques si nous avions été en nombre suffisant pour s’occuper des enfants.

On en parle des pauses des pros ? par Lauriane

Je vais au cœur du sujet.
Trouvez vous cela normal que les pros partent en pause avec la boule au ventre car elles laissent les collègues à 2 pour 20 ? Non, rectification à partir de 15 une EJE ou directrice ou agent de service vienne en renfort , en dessous de 15 , 2 pros….
Impossible de répondre aux besoins de tous les bébés surtout si on veut être bienveillante et suivre le rythme des bébés. J’ai l’impression que mon métier n’a plus de sens…. On privilégie la quantité à la qualité.

J’aimais mon métier… par Ellie

Je suis auxiliaire de puériculture depuis 20 ans et j’aimais vraiment mon métier. Malheureusement, le travail en crèche ne permet plus de travailler avec des valeurs humaines et bienveillantes. Les professionnels doivent se couper de leurs émotions, et se mettre en « mode automatique » pour pouvoir tenir (quelle tristesse quand on est auprès de très jeunes enfants), ou alors, comme moi, elles arrêtent de subir et ne peuvent plus exercer leur métier…Comment a-t-on pu en arriver là ? La maltraitance institutionnelle est bien installée. Je ne sais pas comment résumer tout ce dont je voudrais témoigner, voici néanmoins quelques exemples :

Du coté des enfants : le remplissage et ses conséquences !

  • Des enfants qu’on appelle des « AO » (accueil occasionnel), appelés le matin à 8h quand on apprend qu’il y a un absent dans un groupe, pour qu’il n’y ait pas une place perdue (ce que ressent l’enfant n’est absolument pas la priorité).
  • Des parents en recherche d’emploi, obligés de mettre leur enfant à temps plein pour ne pas perdre LA précieuse place.
  • Des journées où l’on prend plus d’enfants que le nombre de places pour équilibrer avec des jours où il n’y en a « pas assez ».
  • Des « soins » à la chaine : changes, repas, habillages, déshabillages. Tous ces actes d’échanges si importants deviennent automatisés et déshumanisés.
  • Beaucoup de violence entre les enfants qui n’en peuvent plus d’être entassés et de ne jamais avoir un moment de calme.

Du coté des professionnels, des conditions de travail inhumaines !

  • Le taux d’encadrement maximum légal devient la norme, si bien qu’on en arrive à être heureux et soulagés chaque fois qu’un enfant est malade et reste chez lui.
  • Dans la théorie, nous sommes deux adultes pour 10 bébés ou pour 16 « grands » mais en réalité, quand une des professionnelles est occupée avec un enfant (change, dortoir, etc… presque tout le temps), l’autre est seule avec le reste du groupe.
    Bien sûr, si on regarde le coté légal, nous sommes bien deux adultes mais quand on sait compter, ce n’est pas du tout le cas !
  • Après une journée de 7, 8 ou même 10 heures, il y a régulièrement des temps de réunions. Elles se passent de 18h30 à 20h ou 21h. Ce sont des heures supplémentaires mais qui ne sont pas payées, elles sont juste notées et rattrapées…quand c’est possible.
  • Le présentéisme est la règle de base. Nous savons que notre absence va avoir des conséquences sur une collègue qui est peut-être en repos ce jour-là ou qui pouvait accompagner ses enfants à l’école. Trouver des remplaçantes, c’est compliqué et ça coûte plus cher, donc on se remplace les unes et les autres. Ça entraine beaucoup de culpabilité pour la personne arrêtée qui va éviter le plus possible de manquer. Pour donner quelques exemples, dont je ne suis vraiment pas fière, je suis allée travailler un jour à 7h30, alors que mon mari était aux urgences depuis la veille au soir. Je suis allée à la crèche dans un état second car je n’ai pas osé déranger mes collègues. J’ai déjà vu des personnes venir après un accident de voiture et je suis moi-même allée travailler de nombreuse fois, très malade.
  • Des arrêts multiples ou de longues durée quand les professionnelles ont abusé du présentéisme, et donc un personnel très changeant dans beaucoup de structures.
  • Des conséquences désastreuses sur la santé mentale et physique des professionnels qui peuvent parfois devenir maltraitants dans de telles circonstances.

Voilà les points qui me reviennent le plus en tête, 9 mois après avoir arrêté ce métier. Ce métier que j’aurais vraiment aimé si j’avais pu le faire dans des conditions raisonnables. C’est tellement important de s’occuper de nos bébés, ce sont les fondements des futures générations. Je ne peux pas concevoir que ça n’ait pas plus de poids dans la société.
Merci d’oser demander des témoignages, je pense que nous nous sommes assez tu, maintenant nous devons parler !

J’ai perdu le sens de mon métier par Sandrine

EJE depuis 20 ans , quand j’ai commencé j’étais pleine d’espoir !
D’abord EJE de terrain puis, j’ai eu envie d’être responsable de structure pour mettre en avant des projets, faire de la parentalité , accompagner les équipes…. Aujourd’hui, responsable d’un multi accueil de 50 places, je suis perdue… Tous les jours, je me bats face au manque de moyens et de personnels. Au fond, je suis usée et pourtant je garde le sourire et le dynamisme chaque jour pour accompagner famille et enfants. Jamais je ne laisse une collègue seule avec plus de 3 enfants mais bien sûr, j’accepte d’aller sur le terrain….parfois il m’arrive aussi de remplacer l’agent d’entretien ou la personne de cuisine. Je suis multi fonctions mais résultat : je ne trouve plus le sens de mon métier. Quand je passe dans les unités comment ne pas être sensible à un bébé qui pleure . Tant pis je prends de mon temps pour lui offrir mes bras…
Et après, on veut mettre un pro pour 6 enfants mais MM. les politiciens, venez passer une journée dans nos unités et vous verrez que notre métier ne se résume pas à jouer !! Nous sommes les phares des ses futurs citoyens mais avant 2 ans attendre, partager ….c’est mission impossible ! Faire de l’individuel dans le collectif, voilà notre vœux le plus cher ! Alors écoutez nous !! Prenez la petite enfance au sérieux ! Nous ne voulons pas de votre réforme !

Taux d’occupation par Pitia

Directrice adjointe d’un EAJE de 50 berceaux, nous rencontrons des difficultés quand au système de PSU qui est sensé être facilitant mais qui déshumanise. Pour « remplir » la crèche à 70%, nous devons faire face à des situations qui mettent : soit les parents, soient les enfants, soit les équipes ou soient les 3 en difficultés.
Pour les contrats réguliers, nous devons imposer de grandes plages horaires de présence aux enfants, ce qui va à l’encontre parfois des besoins des familles et des enfants. Si ne ne le faisons pas, cela impliquerai de proposer des places a d’autres enfants à des heures qui n’intéressent pas les familles (exemple : 16h30-18h30). Si nous faisons appels à des familles qui bénéficient de contrats type occasionnels, nous ne sommes parfois pas en accord avec un accueil de qualité car nous les prévenons le jour même qu’il y a une place disponible suite à l’absence d’un autre enfant, alors qu’ils ont très souvent organisé leur journée. Ces enfants viennent parfois une fois par semaine au mieux et parfois une fois par mois ce qui devrait nécessiter pour le bien être de l’enfant de nouveaux temps d’adaptation qui sont bien sur impossible à réaliser pour une journée.
Pour réussir à obtenir un taux d’occupation correct nous devrions faire du « surbooking » ce qui impliquerai d’accueillir par exemple 23 enfants dans un service qui pourrait en accueillir que 20 maximum du fait de sa configuration.
Bien sûr, ceci n’est qu’un résumé des difficultés que nous rencontrons du fait de ce système de PSU qui selon moi déshumanise et va à l’opposé des valeurs éducatives et humaines que le monde de la petite enfance s’efforce de transmettre et qui évolue au fil du temps dans une optique de bienveillance.

Prenons soin de l’accueil, des besoins, du bien-être, du confort de nos enfants de demain par Lila

A.P dans un EAJE, je suis 1 pro pour 8 enfants qui marchent. Je dois répondre sur une journée de 7h et plus , aux besoins de chaque enfant individuellement. 8 enfants en charge demande une disponibilité, une écoute, du temps afin de répondre au mieux au besoin des enfants, en tenant compte du rythme, du contexte familial, des émotions …et autres des enfants.

Alors avec la nouvelle réforme, où sera la qualité d’accueil? N’y aurait-il pas un risque de fort taux d’absentéisme des professionnels du à la charge de travail? Rappelons que nous  prenons en charge les enfants et  l’accompagnement auprès des familles et devons aussi nous occuper des tâches du quotidien de la structure ( linge, désinfection des jouets, des lits…) et nous organisons le planning lors d’absence du personnel. Les enfants sont des êtres humains qui demandent beaucoup d’attention, d’écoute, de présence des adultes, d’être valorisé et de grandir dans de bonnes conditions, d’encadrement.

Qualités pas quantité par Bibiche

Des agents non remplacés en cas de maladie ou peu d’heures effectuées par les remplaçantes ce qui engendre une désorganisation et surcharge de travail. Il y a quelques années, on améliorait la qualité du travail en prévoyant des diplômés, en voulant former alors qu’aujourd’hui, on veut diminuer la qualité du travail en diminuant le nombre de diplômés des structures.

Pourquoi ne pas faire confiance aux professionnelles qui sont sur le terrain qui savent ce qui fait d’un enfant un bon citoyen dans sa vie d’adulte?
Comment lui inculquer des valeurs essentielles à son développement dans une organisation médiocre avec des professionnelles démotivées, exploitées, stressées?
Pour finir sur une phrase qui me tient à cœur :

Il y a un amour de comprendre, qui est caché en chacun de ceux qui s’occupent d’un petit, parce que les petits portent l’énigme du mouvement d’humanisation.

JEAN EPSTEIN

La réalité du terrain par Pascale

 » Il ne peut y avoir plus vive révélation de l’âme d’une société que la manière dont elle traite ses enfants « 

Nelson Mandela

La réalité du terrain , ce sont des adultes en stress (parents et professionnels) et des enfants en recherche de bras , de relations sécurisantes , de réponses adaptées à ses demandes bien légitimes !

Mais le travail à la chaîne ne laisse pas beaucoup de place à ces considérations humaines !

Nous faisons le maximum , Monsieur Taquet , venez donc en juger par vous-même !

Retrouvez de l’humain dans ce métier par Samsamya

Je travaille depuis 1 an dans une crèche qui a ouvert en 2020.
L’ouverture c’est bien passé. Même si la crise sanitaire est passé par là.
C’est à la rentrée de septembre que tout a changé… Je suis dans la section bébés, ou normalement on nous avait dis qu’il n’y aurait que 2 bébés avec les petits moyens… On en a eu 4… Mon groupe se composant alors de 3 petit moyens et 4 bébés… Un déséquilibre donc. Une section de 13 enfants.
Le mercredi nous avons moins d’enfants, ce qui nous permet de prendre plus de temps avec certains enfants là où on ne le peut pas dans la semaine. Cette année, on nous a donc fait accueillir des enfants qui viendrai que le mercredi !!!  Certains enfants viennent seulement un mercredi sur deux…

Quand à la section des moyens/grands, on a pas arrêté de la remplir… 18 enfants accueillis… Pour 3 pros.. Certaines de mes collègues ont été à bout et à court pour les propositions d’activités.
Nous sommes censé accueillir 27 enfants, mais c’est sans compter les places commerciales… On devrait monter à 32 enfants en tout hors on est à 34…

L’accueil commun le matin est juste devenu insupportable, tant il y a de moyens/grand avant l’arrivée de la deuxième pro de cette section… On le ressent lorsque les grands vont dans leur section.. C’est d’un calme.

On nous fait accueillir sans cesse des enfants sous prétexte qu’on a pas assez d’heures pour justifier que tel pro soit la…

Où est passé le côté humain qu’on nous vend à chaque entretien, où pense-t-on pouvoir avoir le temps qu’il faut pour les enfants dont on est référente ?

On est systématiquement dans le faire chaque jour… Et aucun plaisir à travailler de cette façon. J’aime ce que je fais. Mais quand on a l’impression de faire du travail à la chaîne que doit-on en penser ?