J’aimais mon métier… par Ellie

Je suis auxiliaire de puériculture depuis 20 ans et j’aimais vraiment mon métier. Malheureusement, le travail en crèche ne permet plus de travailler avec des valeurs humaines et bienveillantes. Les professionnels doivent se couper de leurs émotions, et se mettre en « mode automatique » pour pouvoir tenir (quelle tristesse quand on est auprès de très jeunes enfants), ou alors, comme moi, elles arrêtent de subir et ne peuvent plus exercer leur métier…Comment a-t-on pu en arriver là ? La maltraitance institutionnelle est bien installée. Je ne sais pas comment résumer tout ce dont je voudrais témoigner, voici néanmoins quelques exemples :

Du coté des enfants : le remplissage et ses conséquences !

  • Des enfants qu’on appelle des « AO » (accueil occasionnel), appelés le matin à 8h quand on apprend qu’il y a un absent dans un groupe, pour qu’il n’y ait pas une place perdue (ce que ressent l’enfant n’est absolument pas la priorité).
  • Des parents en recherche d’emploi, obligés de mettre leur enfant à temps plein pour ne pas perdre LA précieuse place.
  • Des journées où l’on prend plus d’enfants que le nombre de places pour équilibrer avec des jours où il n’y en a « pas assez ».
  • Des « soins » à la chaine : changes, repas, habillages, déshabillages. Tous ces actes d’échanges si importants deviennent automatisés et déshumanisés.
  • Beaucoup de violence entre les enfants qui n’en peuvent plus d’être entassés et de ne jamais avoir un moment de calme.

Du coté des professionnels, des conditions de travail inhumaines !

  • Le taux d’encadrement maximum légal devient la norme, si bien qu’on en arrive à être heureux et soulagés chaque fois qu’un enfant est malade et reste chez lui.
  • Dans la théorie, nous sommes deux adultes pour 10 bébés ou pour 16 « grands » mais en réalité, quand une des professionnelles est occupée avec un enfant (change, dortoir, etc… presque tout le temps), l’autre est seule avec le reste du groupe.
    Bien sûr, si on regarde le coté légal, nous sommes bien deux adultes mais quand on sait compter, ce n’est pas du tout le cas !
  • Après une journée de 7, 8 ou même 10 heures, il y a régulièrement des temps de réunions. Elles se passent de 18h30 à 20h ou 21h. Ce sont des heures supplémentaires mais qui ne sont pas payées, elles sont juste notées et rattrapées…quand c’est possible.
  • Le présentéisme est la règle de base. Nous savons que notre absence va avoir des conséquences sur une collègue qui est peut-être en repos ce jour-là ou qui pouvait accompagner ses enfants à l’école. Trouver des remplaçantes, c’est compliqué et ça coûte plus cher, donc on se remplace les unes et les autres. Ça entraine beaucoup de culpabilité pour la personne arrêtée qui va éviter le plus possible de manquer. Pour donner quelques exemples, dont je ne suis vraiment pas fière, je suis allée travailler un jour à 7h30, alors que mon mari était aux urgences depuis la veille au soir. Je suis allée à la crèche dans un état second car je n’ai pas osé déranger mes collègues. J’ai déjà vu des personnes venir après un accident de voiture et je suis moi-même allée travailler de nombreuse fois, très malade.
  • Des arrêts multiples ou de longues durée quand les professionnelles ont abusé du présentéisme, et donc un personnel très changeant dans beaucoup de structures.
  • Des conséquences désastreuses sur la santé mentale et physique des professionnels qui peuvent parfois devenir maltraitants dans de telles circonstances.

Voilà les points qui me reviennent le plus en tête, 9 mois après avoir arrêté ce métier. Ce métier que j’aurais vraiment aimé si j’avais pu le faire dans des conditions raisonnables. C’est tellement important de s’occuper de nos bébés, ce sont les fondements des futures générations. Je ne peux pas concevoir que ça n’ait pas plus de poids dans la société.
Merci d’oser demander des témoignages, je pense que nous nous sommes assez tu, maintenant nous devons parler !