Une jeune EJE déjà épuisée par MylEJE

Par où commencer ? Il y a tellement à dire … malheureusement.

Je suis une jeune EJE, de 29 ans, dans la force de l’âge comme on dit, et diplômée depuis seulement 6 ans. J’en suis aujourd’hui à penser déjà à une reconversion professionnelle … pourquoi ? Parce que je suis épuisée, épuisée physiquement et psychologiquement. Comment le gouffre peut-il être si profond entre la théorie que l’on nous enseigne à l’école, et la réalité du terrain ?
Comment est-ce possible que la moitié de ma promo d’EJE ait déjà tourné les talons 6 ans après ?

Je vous résume mon quotidien, ça fait vraiment rêver … :
Je travaille dans un multi accueil municipal de 20 enfants, ouvert de 8h à 18h. Nous sommes 6 personnes pour un total de 5,2 équivalent temps plein sur le terrain, avec une directrice à mi-temps en administratif. En réalité, nous sommes 4 sur le terrain en même temps … pour … bien sûr pas 20 enfants, mais 22, les 10% de dépassement autorisés ne sont jamais oubliés. Nous avons une liste de famille à appeler si nous avons un absent, car il ne faut surtout pas laisser une place vacante sur la journée … business is business … les paris sont ouverts qui gagnera sa place du jour ?

Le midi est, comme pour tous je pense, le moment le plus charnière de la journée, comment faire manger 22 enfants de moins de 3 ans à 4 adultes seulement en respectant le rythme de chacun, en prenant le temps nécessaire. C’est tout bonnement IMPOSSIBLE !

Sans oublier que nous devons nous aussi aller manger et partir en pause … 1 en pause = plus que 3 professionnelles avec les enfants. Il faut faire les changes et mettre ces 22 bambins en conditions pour aller à la sieste = une professionnel se tape, oui je dis bien se tape, 22 changes à la chaîne en 45 min, je vous épargne un couplet sur nos dos totalement abîmés après cette valse de changes … sans compter qu’il y a quasiment quotidiennement des bébés qui sont sur un rythme décalés, on tente, tant bien que mal de respecter le rythme de chacun … mais comment le faire dans cette situation ?
Je disais donc, nous sommes 4 : 1 pro en pause, 1 pro aux changes, une pro avec un bébé à faire manger = il ne reste plus qu’une professionnelle pour le reste des enfants … et ça ! Ce n’est plus concevable, ce n’est plus possible d’accepter ça. Je ne peux plus accepter ça en temps que professionnelle de la petite enfance.

Dernièrement, j’en aurais pleuré de douleurs de voir un petit bonhomme de 10 mois hurler de fatigue. Ce petit a besoins d’un accompagnement pour s’endormir, je donnais un biberon à un bébé, une autre collègue faisait la même chose que moi avec un autre bébé. Une 3ème réalisait le tour de change du matin des 22 enfants (comme le midi … à la chaîne) et la 4ème collègue tentait de réaliser une activité avec les plus grands … ce petit a hurlé pendant 15 min avant de pouvoir se laisser aller dans mes bras après avoir expédié le biberon du bébé pour répondre aux besoins de cet enfant … j’en suis malade …
Aujourd’hui il nous faut choisir les priorités : changer / endormir / nourrir ?
Comment est-ce possible d’en arriver là ?
Comment est ce possible avec les avancés faites aujourd’hui avec les neurosciences, les VEO, la bienveillance ? … quelle incohérence.

La coupe est pleine pour moi, j’ai démissionné, bientôt cette torture de venir travailler la boule au ventre sera derrière moi … quel gâchi après seulement 6 ans de diplôme.
Bravo les politiques … votre future loi va encore dégrader ces conditions de travail et ces conditions d’accueils qui sont déjà déplorables … par pitié ouvrez les yeux !!

Je pourrais écrire encore et encore des dizaines de lignes face à ma détresse, notre détresse … j’aime mon boulot du plus profond de mes tripes … mais justement cet amour du métier ne m’autorise plus à le continuer dans ces conditions …

Je vous propose une chose : venez prendre notre place sur le terrain ne serait-ce qu’une journée … et peut être que vous entendrez enfin nos cris de détresse qui vous supplient d’améliorer les conditions d’accueils dans la petite enfance … et d’avoir un temps soit peu de reconnaissance … nous avons les adultes de demain entre nos mains, ne l’oubliez pas …

La finance gère… par SB

17 ans responsables d une halte (géré par une association) transformée en multi accueil dans un quartier prioritaire, j’ai vu la situation se dégrader les dernières années. J’ai surtout été choquée de la maltraitance des pros par l’équipe de direction au dessus de moi. On me demandait de « manager » , là où je parlais de travail d’équipe et de coopération. On me reprochait de trop écouter les pros… une aberration. J’ai toujours été convaincue qu’une équipe bien traitée était bien traitante et je l’ai vécu très souvent… On me demandait d’être gestionnaire uniquement et les directives étaient si absurdes et mes valeurs humanistes étaient si bafouées que j’ai fait un énorme burn-out. Reconnu maladie pro . J’ai quitte ce domaine à regret car j’aimais mon métier, mais il faut savoir sauver sa peau…

7 ans, une étape à passer… par Alexia

Professionnel de la petite enfance depuis 7ans, et malheureusement, comme les couples, une étape difficile à passer.
Aujourd’hui, j’en peux plus. Je fais toutes mes tâches par automatisme.
Par exemple, les changes se passent rapidement, sans grand moment d’échange, tous ça car ma collègue est souvent seule, que 15 autres enfants doivent être changer et qu’on ne s’arrête pas une seconde.
Je ne parle même pas de l’entente entre collègues qui devient difficile car on nous demande d’être toujours parfait et au top, se qui se répercute dans nos relations professionnelles.
On doit réfléchir à nos moindres faits et gestes, car aujourd’hui la douce violence est partout, et qu’on prend trop de recul sur l’enfant..
Je pense qu’il serait temps de mettre des robots à notre place car l’humain n’est pas en capacité d’être aussi parfait et à la fois efficace que ce qu’on demande en crèche.

Auxiliaire de puériculture par Marie

Après 30 ans de carrière et toujours une grande passion pour mon métier, je suis toujours heureuse d’aller travailler. Malheureusement, aujourd’hui mon quotidien me pèse terriblement. Les conditions de travail se sont tellement dégradées…
Accueillir toujours plus, remplacer les absents, instaurer des règles militaires pour parvenir à s’organiser… Je ne comprends plus ma place auprès des tout-petits. Il faut être bienveillant et à l’écoute, et oh combien cela est primordial pour moi… Mais la réalité, c’est que cela demande une capacité d’adaptation excessive de tous les instants et sans limite…
Je travaille avec une équipe formidable où les mots-clés sont bienveillance et attention individuelle… Résultat, on est toutes épuisées car la réalité du quotidien a eu raison de nous
Je suis profondément attristée de voir le peu de considération que les politiques et les institutions ont envers ces tout-petits… Alors pour nous envoyer faire des formations formidables, c’est bien mais nous proposer des conditions de travail pour les appliquer est un tout autre sujet…Il faut que cette mascarade cesse !

Laissez nous prendre soin des enfants par EJE en colère

J’aimais mon métier, être au service des familles, leur promettre un accompagnement dans la bienveillance et le respect du rythme de leur enfant. Mais voilà, la course au remplissage ne me permet plus d’accomplir mes missions correctement.
Je suis devenue une remplaçante pour boucher les trous, parce qu’il n’y a plus de remplaçantes, et de plus en plus d’enfants à gérer. Je n’abandonnerai ni mes collègues qui doivent gérer de plus en plus d’enfants, ni les enfants qui ont besoin d’une attention toute particulière. Les réunions d’analyse de la pratique sont supprimées, nécessaires pourtant. Mais le remplissage est devenu la priorité, plus de temps pour les réunions d’équipe, il faut remplir la crèche.
Non nous ne pouvons répondre aux besoins des enfants, qui seront pourtant les adultes de demain. Je rentre le soir épuisée, frustrée de ne pas avoir vu tous les enfants, frustrée de ne pas pouvoir réfléchir à des projets, de ne pas pouvoir répondre correctement aux besoins des enfants.
J’aimais mon métier, oui, mais voilà je ne peux plus le faire correctement. Alors voilà, la qualité de l’accueil n’est pas compatible avec cette course au remplissage! Je suis dégoûtée de ce manque de considération pour l’enfant et son développement.
J’aimais mon métier, mais s’il n’y a pas de prise de conscience que nous gérons des usines à bébé, alors ce beau métier, que j’exerce depuis 1996, je vais le quitter, je ne suis plus en accord avec ces pratiques qui ne respectent ni les enfants ,ni les professionnels.

De la poudre aux yeux par Melanie

Auxiliaire de crèche, je travaille dans une section qui accueille 20 bébés pour 4 pros. Oui 4 pros, en tout et pour tout. Nous sommes à 4 seulement 2h dans la journée. Mais bon, on a un super projet pédagogique avec des mots magiques qui rassurent les parents donc ca va… La face cachée? Répartir les bébés dans les dortoirs pour étaler les pleurs et faire en sorte que ce soit un peu moins pénible pour les pros comme pour les enfants. Devoir dire aux parents  » oui ça a été » alors qu’on en sait rien, souvent, trop d’enfants, trop …
Nous sommes passionnées, bienveillantes, on fait de notre mieux, on se serre les coudes … Mais c’est loin d’être suffisant.

Avec le temps ça change par Manncoco

Cela fait 8 ans que je travaille dans le même multi accueil, nous avons changé de prestataire (privé bien connu) il n’y a que le rendement qui compte, toujours plus d’enfant mais moins de personnel pour économiser sur le budget de la crèche on se débrouille avec le minimum du personnel en faisant des journées avec heures supplémentaires que l’on rattrape pas quand on le souhaite mais quand on peut.

Un métier usant… par Christelle

Diplômée auxiliaire de puériculture, je me passionnée pour mon métier, le lien avec les enfants et leurs familles…
En 2008, je prends mon 1er poste de titulaire dans un nouveau multi accueil de 18 places. Les locaux sont spacieux, lumineux et le jardin idéal.. L équipe est bienveillante, composée de 2eje, 2ap et une cap et la directrice est expérimentée. Nous bénéficions de nombreuses formations (vae..) intervenants pour les enfants et analyses de pratique.. Bref, une 1ere expérience de 8 ans idyllique..
Je prends ensuite une mutation pour une plus petite structure de 13 places avec des locaux inadaptés mais un projet de construction à 20 places…
Et là, j ai rencontré une équipe pleine de jugements sur les enfants et leurs familles, des jeux de pouvoir, des affinités de la direction avec certaines collègues.. Une adjointe avec des pratiques et paroles violentes…
Des locaux situés en plein centre ville mais tellement petits pour les espaces de vie. 12 enfants qui se battent car ils manquent d’espace et de jeux.
Des conflits si je décidais de prendre le goûter dans le jardin ou sortir les enfants après le goûter…
Une directrice qui manquait d’expérience et bien contente d être enfermée dans son bureau, pour ne pas voir ce qui se passe sur le terrain…
Bref, j ai frôlé le burn-out.. Je ne dormais plus car je craignais pour la sécurité des enfants.. J’ai eu la chance de prendre une dispo … Et maintenant je me demande quoi faire pour ne pas y retourner.. 15 ans d’experience, une vae d’eje pour gagner 1400 €, c’est quand même beaucoup d’investissement et si peu de reconnaissance…

Ras le bol par Pris37

Le but de notre collectivité, atteindre le maximum d’accueil d’enfants avec un minimum de personnel.
Presque 15 ans que je fais le métier d’aide auxiliaire et je commence à en avoir un dégoût.
Aucune bienveillance pour le personnel avec des parents de plus en plus exigeant et des enfants de plus en plus difficile à qui il ne faut rien dire.
Nous ne faisons que de la surveillance par manque de temps, de professionnelles et de matériel.
Il n’y a que l’argent qui compte.

Triste par Laura

Encore un poste, encore un lieu de travail sans prise en compte de l’humain.
Encore une petite pièce, trop petite pour accueillir chaque enfant avec respect.
Encore des professionnels fatigués, angoissés, usés.
Des professionnels pensant que le problème vient d’eux.
Encore un lieu « de vie » pauvre en jeux, en temps, en espace, en moral, en accompagnement, en création de l’identité, en vie ….
J’ai le cœur déchiré par ce métier qui m’a animé et qui n’a plus de sens maintenant.
Ce métier qui serait d’avantage reconnu (condition de travail, financier, etc.) s’il avait été un métier d’homme avant d’être un métier majoritairement de femme.