Des modes d’accueil à deux vitesses par Rachida

Je suis éducatrice de jeunes enfants depuis presque 20 ans. J’ai démarré ma carrière avec le décret d’août 2000 et aussi la mise en place de la PSU. Je suis directrice d’une crèche associative depuis 13 ans.

Je suis très inquiète aujourd’hui parce que ce sont les enfants les plus fragiles qui n’ont pas accès aux modes de garde :

  • soit parce que les listes d’attente sont trop longues
  • soit parce qu’aujourd’hui il y a plus de places dans les micro crèches où le reste à charge est bien trop important pour les familles en situation de précarité.

Mais alors !?? Pas de mode d’accueil = pas de travail et pas de travail = précarité.
Notre Président veut aider les pauvres.. Ok..

Alors pourquoi cette réforme ??
Pourquoi augmenter les places dans les micro crèches ?
Pourquoi baisser les dotations aux communes qui du coup ne subventionnent plus les crèches à but non lucratif, dont l’objectif prioritaire est d’accueillir un enfant et de lui permettre de bien grandir sans distinction d’origine, de niveau économique…???
Si nous souhaitons aider les familles les plus en difficultés c’est tout le système de financement des crèches qu’il faut modifier !! C’est l’Etat qui doit se porter garant de la façon dont les crèches utilisent l’argent public, c’est inacceptable que des crèches privées soient cotées en bourse !!! On ne l’accepterait pas pour les écoles et l’Etat l’a permis en ouvrant les crèches au marché lucratif.. De l’argent public côté en bourse..

Je souhaite une politique petite enfance ambitieuse et porteuse d’espoirs d’un mieux vivre pour tous !

Grosse déception, l’intérêt supérieur de l’enfant passe en dernière position par Etty

J’ai commencé à travailler en crèche après mon CAP petite enfance. J’étais vraiment enthousiaste d’accompagner les enfants dans leur développement. J’aimais ce métier à tel point que j’ai passé une VAE d’éducatrice de jeunes enfants. C’est exactement au moment de la préparation de la VAE (écriture des situations et révision pour l’oral) que j’ai compris toute la différence entre ce qu’on étudie dans les livres et la réalité du terrain : je suis restée seule avec 12 enfants plusieurs fois pendant toute la matinée en m’occupant des activités, des changes, de l’installation du repas. J’ai demandé à la directrice de pouvoir ramener quelques enfants dans les autres sections (bébé et moyens) parce que selon la loi le taux d’encadrement est 1 pour 8 qui marchent, pas 1 pour 12! Elle me réponds que la collègue de la section de moyens est toute seule avec tous les enfants, cela dit elle va dans son bureau. Je suis seule avec les 12! Au fil du temps, j’ai compris que j’avais beaucoup de tâches qui ne me permettent pas d’être disponible et patiente pour accueillir les enfants et les accompagner. J’étais fatiguée, dégoûtée des conditions de travail et du salaire qui n’est pas assez, avec lequel tu peux même pas te loger correctement, c’est une honte! Un métier important, nécessaire, essentiel malmené de cette façon.
C’est où l’accueil de qualité et l’accompagnement à l’autonomie quand une entreprise de crèches qui a ouvert des sièges et des crèches à l’étranger ne veut pas acheter de couches culottes parce que ça coûte 15 centimes de plus que les couches normales?
Il est où le bien-être de l’enfant quand il n’y a pas repères et beaucoup d’imprévus ?!
Depuis ma VAE, j’ai décidé d’abandonner la crèche avec beaucoup de souffrance et déception.

Taux d’occupation par Pitia

Directrice adjointe d’un EAJE de 50 berceaux, nous rencontrons des difficultés quand au système de PSU qui est sensé être facilitant mais qui déshumanise. Pour « remplir » la crèche à 70%, nous devons faire face à des situations qui mettent : soit les parents, soient les enfants, soit les équipes ou soient les 3 en difficultés.
Pour les contrats réguliers, nous devons imposer de grandes plages horaires de présence aux enfants, ce qui va à l’encontre parfois des besoins des familles et des enfants. Si ne ne le faisons pas, cela impliquerai de proposer des places a d’autres enfants à des heures qui n’intéressent pas les familles (exemple : 16h30-18h30). Si nous faisons appels à des familles qui bénéficient de contrats type occasionnels, nous ne sommes parfois pas en accord avec un accueil de qualité car nous les prévenons le jour même qu’il y a une place disponible suite à l’absence d’un autre enfant, alors qu’ils ont très souvent organisé leur journée. Ces enfants viennent parfois une fois par semaine au mieux et parfois une fois par mois ce qui devrait nécessiter pour le bien être de l’enfant de nouveaux temps d’adaptation qui sont bien sur impossible à réaliser pour une journée.
Pour réussir à obtenir un taux d’occupation correct nous devrions faire du « surbooking » ce qui impliquerai d’accueillir par exemple 23 enfants dans un service qui pourrait en accueillir que 20 maximum du fait de sa configuration.
Bien sûr, ceci n’est qu’un résumé des difficultés que nous rencontrons du fait de ce système de PSU qui selon moi déshumanise et va à l’opposé des valeurs éducatives et humaines que le monde de la petite enfance s’efforce de transmettre et qui évolue au fil du temps dans une optique de bienveillance.

Prenons soin de l’accueil, des besoins, du bien-être, du confort de nos enfants de demain par Lila

A.P dans un EAJE, je suis 1 pro pour 8 enfants qui marchent. Je dois répondre sur une journée de 7h et plus , aux besoins de chaque enfant individuellement. 8 enfants en charge demande une disponibilité, une écoute, du temps afin de répondre au mieux au besoin des enfants, en tenant compte du rythme, du contexte familial, des émotions …et autres des enfants.

Alors avec la nouvelle réforme, où sera la qualité d’accueil? N’y aurait-il pas un risque de fort taux d’absentéisme des professionnels du à la charge de travail? Rappelons que nous  prenons en charge les enfants et  l’accompagnement auprès des familles et devons aussi nous occuper des tâches du quotidien de la structure ( linge, désinfection des jouets, des lits…) et nous organisons le planning lors d’absence du personnel. Les enfants sont des êtres humains qui demandent beaucoup d’attention, d’écoute, de présence des adultes, d’être valorisé et de grandir dans de bonnes conditions, d’encadrement.

12 enfants OK mais obligation d’avoir plus de professionnels et l’espace adapté par Cyrielle

EJE depuis 11 ans et maintenant gérante et référence technique de ma micro-crèche, je suis pour la possibilité d’accueillir deux enfants supplémentaires.

Nous avons une surface de 240 m² divisée en deux sections et 3 professionnelles auprès des enfants toute la journée et tous les jours. Une pro est référente de 5 enfants de 10 semaines à 18 mois, une pro est référente de 6 enfants de 18 mois à 3 ans et la dernière pro est volante et aide là où le besoin s’en fait ressentir.

Si nous accueillons 2 enfants supplémentaires, cela nous permettrait financièrement d’embaucher une 4ème professionnelle, soit deux pros pour 4‐5  enfants de 10 semaines à 18 mois et deux pros pour 7‐8 enfants de 18 mois à 3 ans. La qualité d’accueil en serait meilleure !

Alors oui pour l’augmentation du nombre d’enfants accueillis mais seulement si obligation d’avoir assez de pros et un local suffisamment grand pour le bien-être des enfants !

« Accueil de qualité pour tous » par Inégalités

Lutte contre la pauvreté : lancement de l’Appel à la Manifestation d’intérêt « Accueil pour tous »

Sans une qualité d’accueil, c’est-à-dire, de relations de qualité au sein des EAJE, des professionnels disponibles physiquement et psychiquement, reconnus et considérés et bien rémunérés, la lutte contre la pauvreté, par une socialisation précoce, levier d’inégalités, est une utopie !

Et puis, où allez-vous trouver les professionnels, quand aujourd’hui environ 3000 postes sont vacants, par exemple, en ile de France, pour les principaux métiers exercés en EAJE ?
Lisez bien les rapports, écoutez bien les professionnels, les experts, inspirez vous des pays nordiques et

PRENEZ BIEN SOIN DE VOS CITOYENS !

Qualités pas quantité par Bibiche

Des agents non remplacés en cas de maladie ou peu d’heures effectuées par les remplaçantes ce qui engendre une désorganisation et surcharge de travail. Il y a quelques années, on améliorait la qualité du travail en prévoyant des diplômés, en voulant former alors qu’aujourd’hui, on veut diminuer la qualité du travail en diminuant le nombre de diplômés des structures.

Pourquoi ne pas faire confiance aux professionnelles qui sont sur le terrain qui savent ce qui fait d’un enfant un bon citoyen dans sa vie d’adulte?
Comment lui inculquer des valeurs essentielles à son développement dans une organisation médiocre avec des professionnelles démotivées, exploitées, stressées?
Pour finir sur une phrase qui me tient à cœur :

Il y a un amour de comprendre, qui est caché en chacun de ceux qui s’occupent d’un petit, parce que les petits portent l’énigme du mouvement d’humanisation.

JEAN EPSTEIN

La réalité du terrain par Pascale

 » Il ne peut y avoir plus vive révélation de l’âme d’une société que la manière dont elle traite ses enfants « 

Nelson Mandela

La réalité du terrain , ce sont des adultes en stress (parents et professionnels) et des enfants en recherche de bras , de relations sécurisantes , de réponses adaptées à ses demandes bien légitimes !

Mais le travail à la chaîne ne laisse pas beaucoup de place à ces considérations humaines !

Nous faisons le maximum , Monsieur Taquet , venez donc en juger par vous-même !

Ras le bol de ne pas être écoutées par Florine

A quoi sert-il de demander des rapports si c’est pour s’assoir dessus? Rapport des 1000 jours, rapport Giampino… Nous, professionnelles, passons de l’espoir au désespoir. Ras le bol de ne pas être écoutées, de parler dans le vide, va t’il falloir expliquer aux parents le quotidien de leurs enfants .
Devons-nous au lieu de faire des transmissions le soir en souriant expliquer à ces derniers nos journées dans les cris , les pleurs , les tensions , leur dire que leur enfant s’est endormi sur un tapis faute d’adulte disponible pour le coucher? Faut-il leur faire part de notre démotivation? Faut-il faire un scandale pour être enfin écoutées?