Je travaille depuis 2004 en multi accueil.
D’abord en multi accueil parental et maintenant municipal.
J’ai pu voir l’évolution de mon travail de terrain, voir mes collègues perdre le sens de leur métier pour lequel elles étaient pourtant passionnées, des projets plein la tête !
Au départ, travaillant en province je ne comprenais pas les faits que me relataient mes collègues en région parisienne : leurs conditions de travail, leurs rapport à leurs supérieurs, leur taux d’encadrement, l’accueil en section des enfants, la lourdeur des tâches administratives…
Faisant partie depuis 5 ans d’une collectivité, je comprends mieux tout ce qu’elles subissaient (elles ont d’ailleurs, pour la plus part, quitté leur profession).
Ayant tout d’abord travaillé pour une mairie bienveillante, dans l’échange, l’écoute, j’ai adulé ce métier au service du public, au service des enfants. Aujourd’hui, au sein d’une petite collectivité me voilà compressée : pas tant par le taux d’occupation, car il est à mon sens normal que la structure puisse compléter toutes les places disponibles.
Je me sens compressée par le manque de personnel, ceux non remplacés lors de leur départ à la retraite, ceux non remplacés lors d’une maladie, ceux non remplacés lors d’un congé parental (il faut attendre car on ne trouve personne… étonnant).
Ceux qui ne sont que de passage et n’ont pas le temps de prendre leurs marques auprès des enfants.
Je me sens compressée par le travail administratif qui prend de plus en plus de temps (les directeurs ont-ils encore le temps d’aller sur le terrain s’ils veulent pouvoir tout gérer l’administratif : accueil des familles, lien avec la collectivité, réunions diverses, commandes, courir après ce temps qui passe trop vite dans une journée et où leur bureau est parfois rempli par des adultes en demande plus de la moitié de leur journée de travail ..).
Je me sens compressée par le temps sur le terrain que nous passons avec chaque enfant. Comment les calculs sont-ils faits ? Un professionnel pour 5 enfants qui ne marchent pas. Mais le professionnel ne fait que 7h par jour et la journée de crèche 11h. Je me souviens du temps où nous comptions un professionnel le matin et un l’après-midi pour cinq enfants. Nos journées de travail ne font pas 11h !!! Ce texte ne pourrait-il pas être revu comme suit : 1 pro pour 5 enfant à un temps x?
Je me souviens avoir répondu à un questionnaire après le premier confinement pour savoir quel était le taux d’encadrement idéal pour moi. Si ce taux était déjà respecté cela serait déjà fantastique !!!
Je me sens compressée par le départ de mes collègues qui ont pourtant toutes les qualités pour travailler auprès des jeunes enfants et une expérience utile mais qui ne parviennent plus à faire ce métier qui était pourtant au centre de leur vie.
Je me sens compressée par le manque de lien avec les familles. Les temps de transmissions se réduisent car les taux d’encadrement aussi. Comment faire encore de la prévention ???
Je me sens également compressée par le nombre d’enfants accueillis en occasionnel et que l’on ne peut pas accueillir assez régulièrement pour qu’ils prennent leurs marques. Parfois, l’enfant ne peut venir qu’une fois tous les 15 jours. Où est passé notre projet éducatif ??
Il y aurait encore tant de choses à dire car ce sont des métiers que nous sommes en train de détruire par le manque de projets. Le quotidien (le repas ,les siestes, les changes) nous prend tellement de temps (les effectifs de professionnels étant réduits) que les activités telles que peinture, sorties, deviennent réduites. Qu’en sera-t-il prochainement avec les nouvelles mesures ? Veut-on une petite enfance rentable à tout prix ? Ne sommes-nous pas en train de sacrifier une population ? Certes, tout ne se joue pas avant 3 ans, mais les fondements de l’adulte ne reposent-ils pas sur la petite enfance ?
Politiciens, j’espère que vous penserez aux a adultes de demain lorsque vous écrirez la réforme de la petite enfance.