Fatigués par Ben

Bonjour,
je pense parler ici en mon nom et pour porter aussi la voix de tous.tes les collègues de ma structure et d’ailleurs nous sommes fatigué.es.
Fatigué.es des protocoles qui changent sans arrêt et qui sont sans queues ni tête.
Fatigué.es de les appliquer et de devoir nettoyer tout sans arrêt au détriment de la qualité d’accueil des enfants et des familles.
Fatigué.es de ne pas êtres écoutées  et entendues notamment au sujet de la réforme.
Fatigué.es d’êtres prévenu.es à la dernière minute que nous fermons dans deux jours voir le lendemain ! Oui parce que personnellement je suis en Moselle et le vendredi était férié donc il a fallut tout boucler en une journée ne pas laisser de linge sale etc tout en accueillant les enfants évidement…

L’usine à bébé par Cath

Je n’ai jamais été très attirée par le fait de témoigner probablement parce que auparavant je n’étais pas pieds et poings liés à une structure.
De 60 places… Aujourd’hui alors que je suis au début de ma carrière ( 4 ans seulement) je me sens complètement dépassé par les attentes démesurés et incohérentes de ma hiérarchie… Je suis adjointe et avec la directrice nous subissons des pressions monstres avant le passage de notre président sur la crèche. A sa dernière visite, ce monsieur fort irrespectueux s’est arrêté sur des détails de ménage (traces sur les vitres…) Étiquetage… Rangements parce que… oui mon dieu il y avait une boîte  » à bordel de jeux » …
Quand on a un groupe de 32 enfants, c’est effectivement pas toujours la priorité… Je ne vois plus les enfants. Le personnel est sous-tension et mobilisés à faire des actions inutiles pour les enfants alors qu’il y a plein de projets à l’abandon…
Des arrêts maladies à la pelle…
A quand des direction et gestionnaires professionnels de la petite enfance?
A quand un critère de bientraitance?
Quand est-ce qu’on lâche les chiffres pour  » élever » vraiment les enfants ?

Fin du covid fin de ce poste pour moi le monde de la petite enfance devient fou…

Du rêve au cauchemar par Roxane

Beaucoup pensent que la crèche est un endroit épanouissant, où l’adulte joue avec l’enfant, en témoignent les phrases des parents le matin : « amusez-vous bien ».
Je travaille depuis huit ans en crèche, d’abord en multi-accueil, aujourd’hui en micro-crèche. Et malgré ce peu d’années à mon actif, je vois la situation se dégrader chaque jour.
Peu de professionnels qualifiés, beaucoup de temps pour les former, beaucoup de démissions, de turn-over, un manque d’équilibre pour l’équipe, les enfants et les familles. S’il n’y avait que ça…
Beaucoup de ménage, peu de moyens, l’économie avant tout, ne pas utiliser trop de couches, faire le ménage avec des produits nocifs en présence d’enfants, trop de tâches annexes pour une rémunération inexistante.
Le confinement m’a permis de réaliser que je touchais plus d’argent au chômage qu’en faisant mon métier. N’est-ce pas scandaleux ? Les jours de congés demandés sont bien souvent refusés car avec le nombre d’arrêt en cours, il est impossible d’être remplacé.
Et l’enfant dans tout ça ? Justement, l’enfant c’est devenu la cinquième roue du carrosse. Puisque l’équipe est en sous-nombre et le groupe d’enfants à l’inverse en surnombre dans un espace étriqué… Les petits bobos s’enchaînent, et voilà, la maltraitance involontaire pour manque de surveillance, oui mais il fallait absolument nettoyer les tables pour le goûter, alors forcément…
Demandez aux salariés si elles souhaitent mettre leurs enfants en crèche, la plupart cherchent d’autres solutions car on connaît le fonctionnement des structures. Aujourd’hui, j’ai perdu la petite flamme qui m’animait, j’appréhende chaque jour en me demandant combien d’heures supplémentaires j’aurais à mon actif cette semaine… Heures ni rattrapées, ni payées. Heures qui s’accumulent sur une feuille.
Alors quand j’entends qu’on passera à 12 enfants, je suis en colère. Triste et en colère. Pour les enfants d’abord, les parents ensuite qui paient une fortune pour un service médiocre et pour nous, qui n’auront plus la possibilité de faire diverses activités… Ce sera du gardiennage. Il faudra simplement éviter morsures, griffures et autres tirages de cheveux.
Tout ça est bien loin de la bienveillance à laquelle j’aspire, c’est pourquoi j’ai décidé de me reconvertir. Je suis à bout et je n’ai pas la force de subir davantage. J’adore les enfants, les voir s’émerveiller de si peu de choses grâce à une activité quelconque est vraiment quelque chose d’inspirant. Le métier-passion a simplement ses limites.
Les enfants méritent mieux que ça et ça me frustre de ne pouvoir agir à ma façon, comme on le voit lors de formations. Mais voilà, si je veux construire une vie apaisée, je dois trouver une autre voie.

Comme des sardines par Petits pas

Les pièces dédiées aux enfants sont trop petites et les enfants ont encore plus besoin de bouger d’expérimenter de découvrir leur corps de défier les règles d’exister en tant qu’individu. Ils sont plus programmés pour vivre en groupe. Et nous nous leur offrons de moins en moins de place et de moins en moins de professionnelles formées pour les accueillir. Et en plus il faut que ce même personnel fasse aussi de la parentalité avec des parents de moins en moins éducateur de petit d’homme qui vont vivre en société…..
C’est dur d avoir l’impression chaque fin de journée d’avoir nagé en gardant la tête hors de l’eau.
Bien accompagner les enfants avec bienveillance.
Appliquer les protocoles.
Travailler en équipe avec respect et non jugement.
Etre à l écoute et professionnelle envers les parents.
Rentrer dans les clous des chiffres pour la CAF…

Épuisant car pas assez te temps pour tout…. et en plus de cela sans écouter trop cher au gestionnaire car le public concerné ne vote encore pas et ne pose pas de problème majeur à la société.

Mais pour finir, je continue car je suis convaincue de mon travail auprès des enfants même si je pense à faire autre chose.

Directrice EAJE par Kouka

J’ai pris la direction d’un multi accueil en 2018 .
Une gestion catastrophique, des arrêts maladie sans cesse. Une équipe épuisée qui ne pouvait plus être dans la bienveillance auprès des enfants ni auprès des autres professionnelles.
En 2 ans, 3 démissions…. C’est terrible.
Les locaux ont été rénovés en 2014 et ils sont déjà délabrés, des velux qui fuient, une salle sans chauffage, un extérieur en goudron et gravier où les enfants se blessent constamment.

Je ne comprends pas cette réforme qui met en danger les enfants.

Triste bilan par EJE78

EJE depuis 1983, c’est avec beaucoup de tristesse qu’après avoir vu une belle évolution dans les EAJE, je vois et constate aujourd’hui un rétropédalage inquiétant. Les familles aujourd’hui ont besoin de beaucoup de soutien et d’écoute. Beaucoup sont en difficultés avec des enfants qui dorment mal, des comportements difficiles ou avec des enfants porteurs de troubles. Nous professionnels, voyons les politiques nous demander des chiffres, de la rentabilité mais nous parlons d’enfants, de très jeunes enfants qui ont juste besoin de soins, de jouer avec des professionnels bienveillants, bien formés et compétents pour répondre à leurs besoins. Les professionnels ont eux aussi des besoins : être reconnus, valorisés, formés et de travailler dans un cadre serein et bienveillant. Les rapports défilent Giampino, 1000 jours, pour ne parler que des derniers. Ces rapports nous font espérer et quelle déception quand les textes sortent ou à chaque fois ce sont de nouvelles contraintes et restrictions ! Le service public se meurt, trop onéreux paraît-il et les structures au sein de groupes privés se multiplient et font du profit sur le dos de nos enfants sans respecter leurs salariés.
Alors oui, je suis triste, dépitée de bientôt partir sans avoir réussi à faire comprendre l’intérêt des jeunes enfants, des professionnels et du service public. Inquiète pour les futurs générations et pour cette profession que j’ai tant aimé, que j’ai été si fière d’exercer et que j’ai maintenant hâte de quitter !

AP par Caline

Je travaille en micro crèche.
Pas de parcours moteurs, pas de dînette, juste une pomme !
Pas de tapis circuits voitures, juste 2 voitures !
Enfants endormis en transat, 2 lits à barreaux…
Accueil des périscolaires durant covid !? Bulletins de salaires pas clairs et nous sommes obligées de réclamer notre salaire !!!
Pour pas dire pas de matériels pour activités… Je vais craquer…

Plus d’enfants … mais pas plus de personnel … par Claire

Nous remplissons nos structures, nous multiplions les adaptations, nous organisons notre façon de travailler en fonction des arrivées d’enfants, nous revoyons nos façons de travailler par la même occasion. Par contre, nous ne sommes pas remplacés lors d’absence ponctuelle et devons pallier à ces absences sans que les enfants en pâtissent (même si c’est malheureusement inévitable par moment). On aimerait avoir plus de bras pour calmer ces nouveaux bébés qui arrivent en cours d’année, être plus disponible aussi pour eux mais quand il faut aussi s’occuper de certaines tâches « techniques  » comme le linge ou le nettoyage des tables… oui, il faut accueillir des enfants pour permettre aux familles de travailler mais il faut pouvoir les accueillir dans de bonnes conditions et non sans conséquence dramatique pour les professionnels car le burn-out professionnel est de plus en plus présent dans notre profession !

Burn-out par Nadège

Auxiliaire de puericulture depuis 15ans . J’ai choisi de travailler auprès d’enfants dans le but de les accompagner dans les meilleures conditions possible.
J’ai donné de ma personne car oui dans le social, on oublie souvent mais on a un travail physique ET psychique.
Savoir s’adapter à chaque enfant, chaque parent, l’équipe, les intervenants extérieurs n’est pas une chose facile.
Au début, j’étais dans la découverte. Nous avions même le temps pour faire les réunions, accueillant même les enfants porteurs d’handicap.
J’ai tellement appris de cette mixité professionnelle et une rencontre avec une EJE m’a donné envie d’aller plus loin dans ma formation.
Hélas, les conditions de travail se sont dégradées progressivement. La crèche ou je travaillais à cette époque était très mal construite et les jeux pas renouvelés. Comment tu veux gérer un groupe de 24 moyens pour 3 pros dans la même pièce ?
Ok. C’est un pro pour 8 mais nous sommes pas 3 d’ouverture à la fermeture!!
Il m’est arrivé d’accueillir 13 moyens toute seule et on me disait d’appeler la directrice (qui était un étage en-dessous) si besoin.
Comment trouver le temps même de téléphoner quand ils arrivent tous en même temps?
Comment répondre à leurs besoins sans jeux et sans moyens?
Nous étions créatives, obligées sinon les enfants n’avaient rien mis à part le coloriage….nous avions les cartons de couches, bouchons de lait, rouleau de papier toilette etc
Pour une personne qui connait le métier, je vous laisse imaginer le bruit des enfants qui tournent en rond dans une pièce.
Le bruit m’était insupportable. Migraines au moins 2 fois par semaine.
Je m’en voulais tellement de ne pas faire un travail correct.
Je m’en voulais aussi de ne rien savoir de ce que leur enfant avait fait de la journée.
Nous étions tellement dans le speed : accueillir, proposer le peu de jeux que nous avions, changer les couches, repas à 11h, faire le ménage après le repas, déshabiller pour la sieste, les mettre au lit, commencer les pauses, retour de pause, fait un réveil échelonné, habillage, goûter, premier départ de la pro du matin, 2 pro pour plus de 20 enfants qui partent jusqu’à 19h. Faire le ménage si possible car il était hors de question de rester 5min de plus après ses journées très compliquées.
Je rentrais chez moi et mon corps me lâchait. 21h au lit et on recommence!

Aujourd’hui, je suis en reconversion car après un burn-out total avec prise d’antidépresseurs et un suivi psychologique, j’ai décidé de quitter ce beau métier pour aller faire autre chose qui ne sera pas dans le social.
J’ai assez donné et mon corps en a souffert.
Merci de m’avoir lu.

Quantité sans qualité par audreychocolat

Bonjour,
Je travaille depuis 1999 dans les EAJE. 16 ans en multi-accueil publique et 6 ans bientôt en micro-crèches privées. Je suis EJE, j’ai débuté à 100% sur le terrain et suis à présent directrice de 4 micro-crèches. Je suis tellement horrifiée de voir le domaine de la petite enfance se dégrader de plus en plus… Publique ou privé, le mot d’ordre est le rendement : faire garder le plus d’enfants possible par le moins de personnel possible… Augmenter la quantité et diminuer la qualité… Devoir se donner à 400% pour permettre aux enfants de moins souffrir. Souffrir par le manque de disponibilité pour les câlins et l’écoute envers l’enfant.
Souffrir pour le manque de temps à échanger avec l’enfant.
Souffrir à devoir laisser les enfants seuls dans les dortoirs, les entendre pleurer et ne pas pouvoir y aller.
Souffrir à devoir enchaîner les repas et les changes.
Souffrir à se sentir débordée chaque jour, du début de la prise de poste jusqu’à la fin.
Souffrir de devoir choisir entre plusieurs enfants ayant besoins de l’adulte au même moment.
Souffrir de devoir subir les nuisances sonores dues au grand nombre d’enfants accueillis.
Souffrir de ne pas se sentir reconnu pour la charge mentale et physique que nous subissons tous les jours (c’est tellement facile de s’occuper d’enfants en bas âge…de quoi pouvons-nous bien nous plaindre ?).
Mais fort heureusement, beaucoup de professionnelles passionnées trouvent encore la force de sourire, de chanter, de câliner, d’envelopper de douceur.
J’ai peur de ce que les nouvelles générations de professionnelles de la petite enfance vont devoir combattre et subir…
Je trouve tellement aberrant et hallucinant qu’aucune personne « au pouvoir » ne comprenne que les Hommes de demain sont ces petits poussins fragiles… La petite enfance est un domaine à choyer, à protéger, à valoriser, à accompagner… Il y aurait tant de choses à dire !