C’est fini par puer dégoutée

Oui, j’étais directrice. Oui, j’étais souvent dans le bureau, et non auprès des enfants.
Mais…
En responsabilité de tous les enfants et adultes présents dans les locaux, quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe.
En responsabilité de tout l’administratif, qui était en constante augmentation, d’année en année.
Et puis, au fil des années, j’ai vu les conditions se dégrader, les enfants de moins en moins compter, les adultes s’épuiser.
On nous a demandé de faire de la qualité. Ok, mais sans regarder comment placer l’enfant et son individualité dedans.
On nous a demandé d’inclure les enfants porteurs de handicap. Ok, mais sans nous donner de moyens supplémentaires pour le faire, ni même pouvoir réduire le nombre d’enfants dans le groupe. Comment gérer un jeune enfant autiste qui hurle pendant toute la sieste et qui réveille les autres ? Le séparer du groupe, d’accord, mais quand vous êtes déjà juste en personnel, comment fait on ?
On nous a demandé d’être plus transparent sur la manière d’accueillir de nouveaux enfants. Ok, mais sans nous donner les moyens d’accéder dans des temps cohérents aux demandes des familles et en ayant en plus le reproche de ne pas « remplir » la crèche.
J’ai essayé de faire du mieux que j’ai pu, mais finalement, mon corps a craqué, puis mon esprit.
J’en suis arrivée à un point où je ne pouvais plus y retourner, tellement je me sentais impuissante et en colère. Une impuissance et une colère qui m’ont bouffées de l’intérieur. Qui ont détruit ma motivation.
Alors je suis partie. Pas seulement de la crèche, pas seulement du milieu de la Petite Enfance, mais du métier. J’ai décidé de commencer une autre vie, qui me permet d’être plus en harmonie avec mes valeurs et avec moi-même.
La décision n’a pas été facile, car c’est dur de lâcher après 20 ans. Mais je ne regrette pas, car j’y laissais trop de moi-même.